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RIENZI.

grandes actions… vers une gloire bornée au cœur même qui la recherche, une gloire si démesurément supérieure au vain désir de renommée qui talonne les autres. Avant donc que nous puissions nous affranchir du monde, il nous faut, par un noviciat long et sévère, par une épreuve de longue réflexion et de longue douleur, par une conscience triste et profonde de la vanité de tout ce que le monde peut nous donner ; il faut nous être élevés, non dans l’ardeur d’un moment, mais sans cesse et toujours au-dessus du monde ; abstraction idéale que, même en notre siècle plus éclairé, bien peu, je dis des plus habiles, peuvent atteindre. Et cependant, tant que nous ne jouissons pas de ce bonheur, nous ne connaissons pas le caractère divin de la contemplation, ni le pouvoir de notre conscience, qui suffit à tout ; nous ne pouvons, d’un pas solennel, nous retirer dans ce saint des saints, au fond de nos propres âmes, où nous connaissons, où nous sentons combien notre propre nature est capable de se reposer, comme Dieu, dans son existence solitaire.

Mais revenons aux objets et aux pensées de ce monde. Ces considérations, ces liens qu’imposent les circonstances, qui, dans une pareille situation, ont changé tant d’esprits honnêtes et courageux, changèrent aussi l’esprit d’Adrien. Il se sentit dans une fausse position. Sa raison comme sa conscience partageaient les desseins de Rienzi, et l’audace entreprenante qui lui était naturelle l’aurait poussé à prendre activement sa part des périls de l’exécution. Mais quoi ! toutes ses relations, ses amitiés, ses liaisons privées et de famille, le lui défendaient hautement. Comment pouvait-il comploter en secret ou agir le front levé contre son ordre, contre sa maison, contre les compagnons de sa jeunesse ? Auprès du but où l’appelait son patriotisme, l’attendait le reproche d’hypocrisie et d’ingratitude. Qui verrait en lui le champion loyal de sa