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RIENZI.

— Mais y a-t-il vraiment, demanda Adrien après cette querelle et cette réconciliation d’amoureux, y a-t-il réellement une différence aussi marquée entre le passé de ton frère et son attitude présente ? Comment sais-tu que le moment d’agir est si prochain ?

— Parce que maintenant il reste assis dans son cabinet, des nuits entières, avec des hommes de tout rang ; il enferme ses livres, il ne lit plus, mais une fois seul, il va et vient dans sa chambre, en se parlant tout bas. Parfois il s’arrête devant le calendrier, que de sa propre main il a récemment fixé contre la muraille, et il passe son doigt sur les lettres jusqu’à ce qu’il arrive à une date choisie, et alors il joue avec son épée et sourit. Il y a deux nuits seulement qu’on a apporté un grand nombre d’armes à la maison ; et j’ai entendu le chef des hommes qui en étaient chargés, un terrible géant, bien connu du peuple, dire, en essuyant son front : En voilà qui verront bientôt de l’ouvrage !

— Des armes ! En êtes-vous sûre ? dit Adrien avec anxiété. Alors, il y a dans ces projets plus que je n’imaginais. Mais (remarquant le regard d’Irène terrifiée, qui s’attachait sur lui comme sa voix changeait, il ajouta plus gaiement), advienne que pourra, crois-moi, ma belle, mon adorée, tant que je vivrai, ton frère ne souffrira rien de la colère qu’il aura provoquée, et moi, quoiqu’il oublie notre vieille amitié, je ne cesserai pas de t’aimer de même.

— Seigneur ! seigneur ! mon enfant ! l’heure approche, il faut partir ! cria la voix aigüe de Benedetta, qui passa la tête à travers le feuillage. Les ouvriers s’en reviennent à la maison par ici ; je les vois s’approcher. »

Les amants se séparèrent ; pour la première fois, le serpent avait pénétré dans leur Éden ; leurs paroles, leurs pensées n’avaient pas été seulement des paroles et des pensées d’amour.