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RIENZI.

Cependant, Adrien continua sa course jusqu’au delà du Capitole, de l’Arc de Sévère, des colonnes en ruine du temple de Jupiter, puis il se trouva au milieu des longues herbes, des roseaux frémissants, des vignes négligées qui ondoient au-dessus des magnificences de la Maison-d’Or de Néron, aujourd’hui disparues. Là, assis sur un pilier tombé, près de l’endroit où le voyageur descend aux bains appelés Bains de Livie, il leva vers le soleil des yeux impatients, comme pour lui reprocher la lenteur de sa marche.

Il n’eut pas longtemps à attendre pourtant, avant qu’un pas léger résonnât, foulant le gazon parfumé : car aussitôt, à travers les vignes courbées en arceaux, rayonna une figure qu’on aurait pu prendre pour la nymphe, la divinité de ces lieux.

« Ma beauté ! non Irène ! comment puis-je assez le rendre grâce ? » Il fallut du temps pour que l’amant transporté de joie remarquât sur les traits d’Irène une tristesse qui d’ordinaire ne les voilait pas en sa présence. De plus sa voix tremblait ; ses paroles semblaient contraintes et froides.

« T’ai-je fâchée ? demanda-t-il, ou te serait-il arrivé quelque chose de désagréable ? »

Irène leva les yeux à l’encontre de ceux de son amant, et lui dit avec un regard sérieux : « Dis-moi, monseigneur, en sobre et simple vérité, dis-moi, serais-tu bien affligé si ce devait être notre dernier rendez-vous ! »

Plus pâles que le marbre à ses pieds devinrent alors les joues brunes d’Adrien. Il lui fallut plusieurs moments avant de parvenir à répondre, ce qu’il fit enfin avec un sourire forcé et une lèvre tremblante.

— « Ne plaisante pas ainsi, Irène ! Dernier ! Ce mot n’est pas fait pour nous.

— Mais écoute-moi, seigneur.