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RIENZI.

les, fidèle image de la sombre réalité de l’époque ; et en se rappelant par contraste la haute et pure ambition de Rienzi, il sentit qu’il n’en pouvait blâmer l’ardeur, ni en accuser l’excès.

« Et d’ailleurs, reprit le baron plus résolu de langage à mesure qu’il revenait à lui-même, cet homme, avec son avertissement, me montre d’un coup d’œil toute son ignorance en politique. Qu’en pensez-vous ? il s’est mêlé à la populace, et il a pris la vaine jactance de ces gens-là pour du pouvoir ; oui, il prend des phrases pour des soldats, et il vient me dire à moi, Étienne Colonna, de prendre garde, à qui ? voyez un peu, jamais on ne pourrait s’imaginer ça, à ce faiseur de discours, Rienzi ! l’ancien bouffon de ma table. Ha ! ha ! ha ! Où va l’ignorance de ces barbares ! Ha ! ha ! ha ! » et le vieux baron riait tant que les larmes coulaient sur ses joues.

« Pourtant il y a bien des nobles qui redoutent ce Rienzi-là, dit gravement Adrien.

— Eh bien ! laissez les faire ; ils n’ont pas notre expérience et notre connaissance du monde, Adrien. Fi donc ! quand la déclamation a-t-elle renversé des châteaux ou gagné des soldats ? J’aime à voir Rienzi haranguer la populace à propos de l’ancienne Rome et de niaiseries pareilles ; cela leur donne à penser, à bavarder, et toute leur ardeur s’évapore alors en vains mots ; pendant ce temps-là ils l’écoutent au lieu d’aller mettre le feu à quelque maison. Mais, puisque j’en suis sur ce chapitre, je dois te l’avouer, ce pédant est devenu bien impudent dans son nouveau poste. Ici, ici même, j’ai reçu ce papier avant de me lever aujourd’hui. J’apprends qu’il a eu la même insolence avec tous les nobles. Lisez-moi cela, s’il vous plaît, et Colonna remit un rouleau dans la main de son parent.

— J’ai reçu le pareil, dit Adrien en y jetant un regard. C’est une requête de Rienzi qui nous invite à nous