Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
RIENZI.

séditieux. Adrien, vous rassemblerez vos serviteurs, j’y compte, pour ce jour-là, nous ne voulons pas nous passer de vous.

— Et quand nous nous en irons chevauchant, dit Montréal en saluant Adrien, nous trouverons toujours bien un sujet pour nous mettre d’accord ; tous les braves gens, tous les vrais chevaliers ont un commun objet d’affection qui s’appelle la femme. Il faut que vous me fassiez connaître les noms des plus belles dames de Rome, alors nous discuterons de vieilles aventures dans le Parlement d’amour et nous en espérerons de nouvelles. À propos, je suppose, seigneur Adrien, que vous êtes, comme le reste de vos compatriotes, Pétrarcomane ?

— Ne partagez-vous pas notre enthousiasme ? j’espère, pour votre galanterie, que vous n’avez pas le malheur de n’être pas des nôtres.

— Voyons, il ne faut pas retomber en désaccord, mais par la sainte Vierge, je crois qu’un seul rondeau de troubadour vaut tout ce que Pétrarque a jamais écrit. Il n’a fait qu’emprunter à notre poésie chevaleresque pour la déguiser comme un freluquet de salon.

— Bon, dit Adrien gaiement, pour chaque vers des troubadours que vous me direz, je vous en citerai un autre. Je vous pardonnerai votre injustice envers Pétrarque, si vous êtes juste pour les troubadours.

— Juste ! s’écria Montréal avec un enthousiasme réel, je suis du pays, que dis-je ? du sang même des troubadours. Mais nous devenons un peu légers pour votre noble parent, et il est temps pour moi de vous dire pour le moment adieu. Monseigneur Colonna, que la paix soit avec vous ; adieu, sire Adrien, mon frère en chevalerie, souvenez-vous de votre cartel. »

Avec une grâce aisée et naturelle le chevalier de Saint-Jean prit congé. Le vieux baron, faisant pour s’excuser un signe muet à Adrien, suivit Montréal dans la chambre voisine.