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RIENZI.

château que vous voyez là-bas contre une ambition si dénaturée ! »

Un faible nuage, à peine visible, passa sur le visage de Montréal à ces mots ; et il se mordit les lèvres avant de répliquer : « Mais si les Orsini sont moins scrupuleux, ils commenceront par établir leur pouvoir en renversant à grand fracas la maison des Colonna.

— Savez-vous, répondit Adrien, qu’une de nos devises est cet avis hautain adressé aux Romains : « Si nous tombons vous tombez aussi ! » Et mieux vaut pareille chute que de s’élever sur les ruines de sa ville natale !

— Bien, bien, bien, fit Montréal se rasseyant, je vois qu’il me faut abandonner Rome à elle-même : la ligue doit faire son chemin sans son aide, ce que j’ai dit des Orsini n’était que pour plaisanter, ils ne sont pas assez forts pour tenter la chose à leur profit. Effaçons donc cette conférence de notre souvenir. C’est le 19, je crois, seigneur Colonna, que vous entendez vous rendre à Corneto avec vos amis et votre suite, et c’est pour le 19 que vous avez requis mes services ?

— C’est pour ce jour là, sire chevalier, répondit le baron, évidemment soulagé par le tour nouveau qu’avait pris la conversation. Le fait est que nous avons été tellement accusés d’indifférence pour les intérêts du bon peuple, que je me fais un point d’honneur de cette expédition pour démentir un tel reproche, et c’est pour cela que nous nous proposons d’escorter et de protéger, contre les voleurs de grand chemin, un convoi de blés jusqu’à Corneto. À vrai dire, outre la crainte des voleurs, j’ai encore un autre motif qui me fait désirer une suite aussi nombreuse que possible ; je voudrais montrer à mes ennemis et au peuple en général la solidité et l’agrandissement de la puissance de ma maison ; en déployant une petite armée telle que j’espère la lever, j’aurai une magnifique occasion de frapper de terreur les gens mutins et