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RIENZI.

— Monseigneur, il y a une demoiselle dans l’affaire, répliqua Montréal ; excusez mon silence.

— Ah ! Adrien, Adrien ! Quand apprendrez-vous de moi la continence ! s’écria Étienne, caressant solennellement sa barbe grise ; je vous donne pourtant un bel exemple ! Mais trêve de badinage ! Reprenons notre sujet. Vous devez savoir, Adrien, que c’est à la vaillante troupe de mon hôte que je dois ces braves messires d’en bas, qui gardent Rome si tranquille, malgré le bruit qu’ils font dans mon pauvre palais. Il est venu me rendre visite pour me fournir plus d’aide en cas de besoin, et me conseiller sur les affaires de l’Italie du nord ; continue, je t’en prie, sire chevalier : je n’ai rien de caché pour mon parent.

— Tu vois, dit Montréal en fixant son œil pénétrant sur Adrien, tu vois sans doute, monseigneur, que l’Italie en ce moment nous offre un spectacle remarquable. C’est une lutte entre deux pouvoirs adverses, dont l’un détruira l’autre. L’un est celui d’un peuple déréglé, turbulent, ce pouvoir s’appelle Liberté ; l’autre, celui des chefs et des princes : ce pouvoir-là est plus convenablement nommé Ordre. Ces partis tiennent les villes d’Italie partagées. À Florence, Gênes, Pise, par exemple, est établi un État libre, une République, Dieu me pardonne ! Et on ne peut guère imaginer une forme de gouvernement plus désordonnée, plus désastreuse.

— C’est parfaitement vrai, dit Étienne ; ils ont banni mon propre cousin germain de Gênes.

— Bref c’est une lutte continuelle, poursuivit Montréal, entre les grandes familles ; une alternative de persécutions, de confiscations, de bannissements : aujourd’hui les Guelfes proscrivent les Gibelins, demain les Gibelins expulsent les Guelfes. C’est peut-être de la liberté, mais c’est la liberté des forts contre les faibles. Dans les autres cités, comme Milan, Vérone, Bologne, le peuple est sous