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RIENZI.

couleur noisette clair, étaient larges, brillants et pénétrants ; une barbe courte mais bouclée, une moustache retroussée avec toute la précision du soldat et un peu plus foncée que les cheveux, donnaient à la vérité un air martial à son beau visage, mais l’expression en aurait convenu plutôt au héros des cours et des tournois qu’au chef d’une compagnie de brigands. La tournure, les manières, le maintien du Provençal étaient de nature à captiver plutôt qu’à effrayer ; car on y trouvait réunies une certaine franchise militaire et la dignité gracieuse et aisée d’un homme qui se sent bien né, et qui est accoutumé à se mêler sur un pied d’égalité aux nobles et aux grands. Son corps, par un heureux contraste, relevait le caractère d’une beauté qui avait besoin de sa force masculine et de sa haute stature pour se défendre du reproche de paraître efféminée ; car il était d’une grande taille et d’une vigueur musculaire remarquable qui n’avait cependant rien de lourd et de massif, plutôt maigre que chargée d’embonpoint. Il était à la fois robuste et mince. Mais ce qui faisait surtout la distinction personnelle de ce guerrier, la plus redoutable lance d’Italie, était un port chevaleresque, un air de grâce héroïque, fortement rehaussé à ce moment par son splendide costume de velours brun parsemé de perles, recouvert du surtout que portaient les chevaliers de l’Hôpital, et sur lequel était brodée en blanc la Croix à huit pointes, insigne de leur ordre. L’attitude du chevalier était celle d’une conversation sérieuse, il se penchait en avant, doucement, vers le Colonna ; ses deux mains, qui (selon la distinction ordinaire de la vieille race normande[1] de laquelle Montréal, bien que né en Provence, se vantait d’être descendu) étaient fines et délicates ; ses

  1. Des mains et des pieds disproportionnés par leur petitesse avec le reste de la personne étaient réputés dès lors comme dans un siècle plus raffiné, des signes distinctifs d’une haute naissance. Maint lec-