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RIENZI.

Bas-Empire) y retraçait un souvenir des plus puissants siècles de Rome ; maintenant vide de cendres, bouleversé, il servait de table à ces étrangers sauvages et était recouvert, même à cette heure matinale, de débris de viandes et de flacons de vin. À peine s’ils bougèrent, à peine s’ils levèrent les yeux, quand le jeune noble passa près d’eux, et leurs jurons farouches et leurs bruyantes exclamations, émis dans un patois septentrional, écorchèrent rudement ses oreilles, tandis qu’il montait à pas lents ces escaliers hauts et souillés. Il entra dans une vaste antichambre, à moitié remplie de l’élite des suivants du patricien ; cinq ou six pages tirés de la petite noblesse, attroupés auprès d’une fenêtre étroite et profonde, discutaient sur d’importantes matières d’intrigues galantes ; trois petits chefs de la bande placée en bas, revêtus de leur justaucorps, ayant près d’eux leurs sabres et leurs casques, étaient assis immobiles et taciturnes à une table au milieu de la salle, et auraient pu être pris pour des automates, sans la solennelle régularité avec laquelle, de temps à autre, ils portaient à leurs lèvres couvertes de moustaches, leurs gobelets respectifs, et puis, avec un grognement satisfait, se rengorgeaient dans leurs contemplations. Un frappant contraste se présentait entre leur flegme septentrional et une foule de clients italiens, de pétitionnaires, de parasites, qui de çà et de là se promenaient sans relâche, s’entretenant à grand bruit, avec tous les gestes agités et la mobile physionomie de la vivacité méridionale. Il y eut comme une surprise, une émotion générales lorsque Adrien fit irruption dans cette compagnie si mêlée. Les capitaines de bandits firent un signe de tête machinal ; les pages de saluer et d’admirer la mode de ses plumes et de son haut-de-chausses ; clients, solliciteurs, parasites, de se presser tour de lui ; chacun se recommandant en particulier aux faveurs de son puissant allié. Adrien eut grand besoin de son urbanité et de son