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RIENZI.

bares appropriations des plus précieux monuments de l’art étaient si communes à cette époque, que les colonnes et les dômes de Rome antique n’étaient aux yeux de toutes les classes que des carrières où chacun était libre de prendre des matériaux, soit pour son château, soit pour sa cabane ; outrage bien autrement grossier que la brutalité des Goths, à qui un siècle postérieur aurait volontiers attribué toute cette barbarie ; outrage qui, plus peut-être que de plus grands méfaits, excitait l’indignation du classique Pétrarque, et le faisait sympathiser avec les espérances de Rienzi, pour la rénovation de Rome. On peut voir les églises de cette époque ou même d’une époque précédente, d’une architecture informe, construites sur les emplacements et avec les marbres qui consacraient encore, par leurs merveilles artistiques, les noms oubliés de Vénus, Jupiter et Minerve. Le palais du prince Orsini, duc de Gravina, domine encore les gracieuses arcades, toujours visibles, du théâtre de Marcellus, devenu alors la forteresse des Savelli.

Comme Adrien traversait la cour, un lourd chariot encombrait le passage, chargé de marbres énormes tirés de l’inépuisable mine de la Maison-d’Or de Néron ; ils étaient destinés à une nouvelle tour, par laquelle Étienne Colonna entendait fortifier encore davantage l’édifice barbare et sans goût où le vieux noble se conservait l’honneur d’outrager les lois.

L’ami de Pétrarque et l’élève de Rienzi poussa un profond soupir en passant près de cette charretée de nouvelles spoliations ; un pilier d’albâtre cannelé, roulant par hasard hors du chariot, tombait justement avec un bruyant fracas sur le pavé. Au bas des escaliers étaient groupés dix ou douze des bandits qu’entretenait le vieil Étienne Colonna ; ils jouaient aux dés sur un ancien tombeau ; l’épitaphe clairement et nettement gravée sur cette tombe (si différente des ignobles inscriptions du