Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
RIENZI.

quelque chose de bien digne d’envie ; voyez avec quelle anxiété les matelots regardent à l’entour, et derrière, et devant ; tout paisibles marchands qu’ils sont, ils redoutent, à ce qu’il paraît… même dans cette ville, jadis l’entrepôt du monde civilisé, ils redoutent quelque pirate en course, et, avant la fin du voyage, ils pourront trouver ce pirate dans la personne de quelque noble Romain. Hélas ! à quoi sommes-nous réduits ! »

Le vaisseau auquel on faisait allusion descendait rapidement le Tibre, et sur le tillac, en effet, trois ou quatre hommes armés veillaient attentivement sur les plages tranquilles de chaque rive, comme s’ils pressentaient un ennemi. Bientôt cependant le bâtiment disparut à la vue, et les frères en revinrent à ces causeries qui n’ont besoin que de rouler sur l’avenir pour devenir attrayantes aux yeux de la jeunesse.

Enfin, le soir s’assombrissant, ils se rappelèrent que l’heure ordinaire de leur retour au logis était passée et ils commencèrent à revenir sur leurs pas.

« Halte ! dit brusquement Cola, comme notre bavardage m’a ensorcelé ! Le père Uberto m’avait promis un rare manuscrit, qui, de l’aveu du bon frère, a mis tout le couvent dans l’embarras. Je devais aller le chercher ce soir à sa cellule. Restez ici quelques minutes, ce n’est qu’à mi-chemin de la montée de l’Aventin. Je serai bientôt de retour.

— Ne puis-je vous accompagner ?

— Non, répliqua Cola, s’inspirant d’une tendre sollicitude, vous avez été à la peine toute la journée, et vous devez être las ; mes travaux, ceux du corps au moins, ont été assez légers. En outre, vous êtes délicat et vous semblez déjà fatigué, le repos vous rendra vos forces. Je ne serai pas long. »

L’adolescent obéit, bien qu’il eût préféré accompagner son frère ; mais son caractère doux et soumis résistait