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RIENZI.

abandonner les rêves gigantesques de son ambition, et sa nature flexible, ardente, enthousiaste, n’était fidèle qu’au désir d’une gloire belliqueuse, à la poésie d’une vie audacieuse et turbulente, aux détails, aux délicatesses de cette tendre passion, sans les couleurs de laquelle aucun portrait chevaleresque n’est complet, et où il était capable de porter une sensibilité, une tendresse, un loyal dévouement, à peine compatibles en apparence avec sa légèreté déréglée et les désordres de sa vie.

« Allons, dit-il, tandis qu’il se levait lentement, s’enveloppait de son manteau et reprenait son chemin, ce n’était pas pour moi que je m’affligeais ainsi. Mais voilà le coup passé, et maintenant je sais tout. Eh bien ! revenons à ces choses qui ne meurent jamais, à mes projets infatigables et à mes plans audacieux. La malédiction de cette sorcière tient encore mon sang glacé, et cette solitude a quelque chose de fatal et d’effrayant. Ha ! qu’est-ce que cette lumière soudaine ? »

La lumière qui frappait les yeux de Montréal perçait presque comme une étoile, à peine plus grande, à la vérité, mais plus rouge et plus intense dans son rayonnement. Elle n’avait rien d’extraordinaire par elle-même ; elle aurait pu briller du fond d’un couvent ou d’une chaumière, mais elle jaillissait d’une partie de l’Aventin qui ne contenait pas une habitation d’âme vivante, seulement des ruines désertes et des portiques écroulés, où tout était mort, même les noms et la mémoire de leurs anciens habitants. En l’apercevant, Montréal éprouva un léger effroi devant ce rayon lumineux qui étalait sa lueur obstinée sur le paysage désolé, car il avait quelque chose des superstitions chevaleresques de cet âge, et c’était maintenant l’heure magique, consacrée aux ombres et aux esprits. Mais la crainte, qu’elle lui vînt de ce monde ou de l’autre, ne pouvait pas intimider longtemps l’âme du hardi flibustier ; et, après un instant d’hésitation, il ré-