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RIENZI.

— Arrête, femme inexorable ! arrête ! Où repose-t-il ? Il faut que je fasse chanter des messes, prier des prêtres. Je ne veux pas que les péchés du père retombent sur cette jeune tête !

— À Florence, répondit-elle à la hâte. Mais aucune pierre ne rappelle le défunt ! l’enfant mort n’avait pas de nom. »

Sans attendre plus de questions, la femme alors passa, poursuivit sa route ; les hautes herbes et le chemin tortueux qu’elle descendit firent bientôt disparaître du paysage désolé son apparition de mauvais augure.

Seul alors, Montréal tombe sur le sol avec un profond et cruel soupir ; il se couvre la face de ses mains, et laisse éclater l’agonie de sa douleur ; sa poitrine se soulève, tout son corps tremble, il pleure et sanglote à haute voix avec la véhémence effrayante d’un homme dont les passions sont fortes et brûlantes, mais à qui il manquait encore de connaître la violence de la douleur.

Il demeura ainsi longtemps, prosterné et accablé. Lentement, et peu à peu, il devint plus calme, grâce aux larmes qui soulageaient son émotion ; il finit par s’abandonner plutôt à une sombre rêverie qu’à une douleur passionnée. La lune était resplendissante et l’heure avancée quand il se releva, et ses traits portaient peu de traces de son exaltation passée ; car Walter de Montréal n’était pas fait sur un moule où le chagrin pût espérer de graver des traces, ni d’établir son séjour, ce n’était pas un homme à laisser l’affliction dégénérer chez lui en une mélancolie continue, habituelle, qui n’est faite que pour les cours dont les sentiments sont plus durables, et les émotions moins orageuses. C’était le vrai type du Franc ; il en outrait même le caractère ; ses plus solides, ses plus profondes qualités étaient mêlées d’inconstance et de caprice ; souvent une fantaisie rendait inutile sa pénétrante sagacité ; quelque tentation frivole lui faisait