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RIENZI.

de Nina et de son amant était celle qui convenait à des natures plus riches et à des âges déjà plus mûrs ; elle était composée de mille sentiments, naturellement distincts, séparés l’un de l’autre, mais concentrés en un seul foyer par la puissante impulsion de l’amour ; leur conversation était de ce monde ; c’était du monde que l’un et l’autre tiraient l’aliment qui la nourrissait ; c’était sur l’avenir que roulaient leurs paroles et leurs pensées ; de ses rêves et de ses grandeurs imaginaires ils se faisaient un palais et un autel ; leur amour avait en lui-même plus du principe intellectuel que celui d’Adrien et d’Irène ; il était plus approprié à cette rude terre ; il se sentait plus du levain des siècles de fer que de la poésie du premier âge, de l’âge d’or.

« Et faut-il que tu me quittes maintenant ? disait Nina, n’écartant plus sa joue des lèvres de Rienzi, ni sa taille de l’étreinte du dernier adieu. La lune est encore levée, tu ne m’as donné qu’une toute petite heure.

— Une heure ! hélas ! disait Rienzi, il est près de minuit, nos amis m’attendent.

— Va donc, ô la meilleure moitié de mon âme ! Va, Nina ne t’arrêtera pas un instant devant l’exécution de ces desseins plus élevés qui te rendent si cher à Nina ! Quand donc… quand nous reverrons-nous ?

— Non, s’écria Rienzi fièrement et portant son âme tout entière sur son front : ce ne sera plus ainsi, à la dérobée ; non ! ce ne sera plus tel que tu m’as vu jusqu’ici, un serf obscur et méprisé ! La première fois, ce sera à la tête des enfants de Rome ! son champion ! son libérateur ! Ou bien… dit-il en baissant la voix…

— Il n’y a pas « d’ou bien ! » interrompit Nina, enlaçant ses bras autour de lui, et partageant son enthousiasme. Tu viens de prononcer toi-même ta propre destinée.

— Encore un baiser… Adieu !… Dans dix jours à