Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
RIENZI.

— Oui, fit Nina d’une voix grave et triste, lorsqu’il parlait, tout le reste disparaissait à mes yeux, car il me parlait de lui. »

À ces mots, la signora poussa un profond soupir, et ses yeux s’emplirent de larmes.

La femme de chambre prit une expression de dédain dans ses lèvres, et d’étonnement dans ses regards ; mais elle n’osa hasarder une réplique.

« Ouvre la jalousie, reprit Nina après une pause, et donne-moi ce papier. Pas celui-là, fillette ; les vers qu’on m’a envoyés hier. Comment ? tu es Italienne et tu ne comprends pas d’instinct que je veux parler des stances de Pétrarque ? »

Assise auprès d’une croisée ouverte, à travers laquelle se glissait, douce et brillante, la lumière de la lune, ayant à côté d’elle une lampe dont elle semblait abriter ses yeux, bien qu’en réalité elle tâchât seulement de cacher son visage à Lucia, la jeune signora paraissait absorbée dans la lecture d’un de ces tendres sonnets qui alors en Italie tournaient les cervelles et enflammaient les cœurs[1].

Descendante d’une maison appauvrie, qui, tout en attribuant fièrement son origine à une race de consuls romains, aujourd’hui se conservait à peine un rang parmi la noblesse inférieure, Nina di Raselli était l’enfant gâtée, l’idole et le tyran de ses parents. La nature énergique et absolue de son esprit la faisait commander

  1. Bien qu’à la vérité les sonnets amoureux de Pétrarque ne fussent pas alors, comme à présent, les plus estimés de ses ouvrages, cependant c’est une erreur considérable, commune à bon nombre de gens qui les a représentés comme peu connus et froidement admirés. Ils ont réellement produit un effet miraculeux, universel. Tous les chanteurs de ballades les chantaient dans les rues, et, au dire de Filippo Villani : Gravissimi nesciebant abstinere. « Même les plus sérieux ne pouvaient s’en abstenir. »