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RIENZI.

miennes auraient éclipsé le soleil en plein midi ! Jaune, bleu, orange et écarlate ! Ô mes doux saints ! j’en ai eu mal aux yeux toute la journée du lendemain !

— Il est certain que la princesse Giulia n’a point votre habileté à mélanger les couleurs ! dit la complaisante chambrière.

— Et puis, aussi, quelle tournure ! rien de royal là dedans. Elle se traînait le long de la salle, de manière qu’à chaque moment sa queue manquait de la faire trébucher ; et puis elle disait, avec un rire niais : « Ces robes de fête ne sont que des somptuosités incommodes ! » Ma foi, pour les grands il ne devrait pas y avoir de robes de fête ; c’est pour moi-même et non pour les autres que je m’habillerais. Chaque jour amènerait sa robe neuve, plus splendide que celle de la veille ; chaque jour serait un jour de fête.

— Il m’a semblé, dit Lucia, que le seigneur Giovanni Orsini paraissait très-épris de madame.

— Lui ! cet ours !

— Ours tant que vous voudrez, mais l’ours a une fourrure superbe. Le chiffre de sa fortune est encore inconnu.

— Et le sot ne sait point la dépenser !

— N’était-ce pas le jeune seigneur Adrien qui vous parlait tout près des colonnes, où jouait l’orchestre ?

— C’est possible, je ne me rappelle pas.

— Pourtant j’ai ouï dire qu’il y a peu de dames qui ne se rappellent pas quand le seigneur Adrien de Castello leur fait un doigt de cour.

— Il n’y a eu qu’un homme dont la société m’ait paru digne de souvenir, répliqua Nina, sans prendre garde aux insinuations de la maligne servante.

— Et qui était-ce ? demanda Lucia.

— Le vieux docteur d’Avignon

— Quoi ! l’homme à la barbe grise ! Oh ! signora !…