Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
RIENZI.

— C’est la vérité toute nue, signora. Mais quelle fête, n’est-ce pas ? Quelle splendeur ! Cinquante domestiques, en livrée écarlate et or, et la musique jouant tout le temps. On avait envoyé chercher des ménestrels jusqu’à Bergame. Est-ce que ce festival ne vous a pas fait plaisir ? Ah ! je parie qu’on vous a adressé, ce jour-là, bon nombre de beaux discours.

— Ah ! mon Dieu ! non, il y avait une voix qui manquait, et c’était assez pour me gâter toute la musique. Mais moi, ma fille, à la place de la princesse Giulia, je ne me serais pas contentée d’une aussi pauvre réjouissance.

— Comment, pauvre ? Mais au dire de tous les gentilshommes, elle surpassait la plus somptueuse noce des Colonna. Que dis-je ? Un Napolitain, assis près de moi, qui avait servi sous la jeune reine Jeanne, à l’époque de son mariage, avouait que Naples même était éclipsée.

— C’est possible. Je ne connais pas Naples ; mais je sais ce qu’aurait été ma cour, si j’étais ce que… ce que je ne suis point et ne pourrai jamais être ! La vaisselle du banquet eût été d’or ; chaque coupe garnie de diamants jusqu’au bord ; je n’aurais pas voulu qu’on pût voir un pouce seulement du parquet ; tout aurait resplendi de drap d’or. Dans la cour, la fontaine aurait lancé en ondes aériennes les parfums de l’Orient ; j’aurais eu pour pages non pas de jeunes rustres, rougissant de leur propre maladresse, mais de beaux adolescents, entrant à peine dans leur douzième année, choisis dans les plus élégantes maisons de Rome ; et quant à la musique, ô Lucia, chaque musicien eût porté une couronne et l’eût méritée ; et celui qui aurait le mieux joué eût reçu en récompense, pour inspirer tous les autres, une rose de ma main. Avez-vous vu, aussi, la robe de la princesse Giulia ? Ce n’est pas moi qui aurais choisi ces couleurs. Les