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RIENZI.

— Par les saints Escaliers ! Je compterai les minutes d’ici-là, s’écria le forgeron, dont la figure basanée rayonnait d’orgueil devant un pareil témoignage de confiance.

— En attendant, surveillez tous vos voisins ; qu’aucun homme ne chancelle ou ne devienne faible de cœur ; qu’aucun de vos amis ne soit marqué du sceau de la trahison.

— Si je trouve un seul homme qui, s’étant engagé, recule, je lui couperai la gorge, fût-il fils de ma propre mère ! dit le farouche forgeron.

— Ah ! ah ! répliqua Rienzi, avec ce rire étrange qui lui était particulier. Un miracle ! un miracle ! voilà le tableau qui parle maintenant. »

Déjà tout était presque plongé dans les ténèbres, quand Rienzi quitta le Capitole. La large place qui s’ouvre devant ses murs était vide et déserte ; et lui, s’enveloppant dans les plis de son manteau, se promenait toujours rêveur.

« J’ai presque gravi le sommet, pensait-il, et maintenant le précipice s’ouvre béant devant moi. Si j’échoue, quelle chute ! Avec moi tombe le dernier espoir de mon pays. Jamais noble ne se lèvera contre les nobles. Jamais un autre plébéien n’aura les occasions ni l’influence dont je dispose. Rome est incorporée à moi, ma vie est sa vie. Ses libertés éternelles sont attachées à un roseau qu’un coup de vent peut déraciner. Mais, ô Providence ! ne m’as-tu pas réservé, désigné pour de grandes actions ! Comment ai-je été, pas à pas, amené à cette solennelle entreprise ? Comment chaque jour a-t-il préparé son successeur ? Et pourtant, quel danger ! Si ce peuple inconstant, qu’une longue servitude a fait pusillanime, chancelle un instant dans la crise, je suis balayé du coup ! »

À ces mots, il leva les yeux, et que vit-il ? Devant lui,