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DE POMPÉI

heure matinale ; cependant, malgré la situation de la maison et le caractère de ses habitants, elle n’était point souillée de cette odieuse malpropreté qu’on rencontre dans les lieux semblables de nos cités modernes. Les dispositions joyeuses des Pompéiens, qui cherchaient du moins à flatter les sens, lorsqu’ils négligeaient l’esprit, se révélaient dans les couleurs tranchées qui s’étalaient sur les murs, et dans les formes bizarres, mais non pas sans élégance, des lampes, des coupes et des ustensiles de ménage les plus communs. « 

Par Pollux ! s’écria un des gladiateurs en s’appuyant contre le mur d’entrée et en frappant sur l’épaule d’un gros personnage, le vin que tu nous vends, vieux Silène, suffirait pour rendre clair comme de l’eau le meilleur sang de nos veines. »

L’homme à qui s’adressait ce propos, et que ses bras nus, son tablier blanc, ses clefs et sa serviette négligemment placés à sa ceinture, désignaient clairement comme l’hôtelier de la taverne, était déjà entré dans l’automne de la vie ; mais ses membres étaient encore si robustes et si athlétiques qu’ils auraient pu faire honte aux nerfs des plus vigoureux assistants, si ce n’est qu’un peu trop de chair recouvrait ses muscles, que ses joues étaient bouffies à l’excès, et que son ventre puissant effaçait presque la vaste et massive poitrine qur s’élevait au-dessus.

«Ne plaisantons pas, dit le gigantesque aubergiste avec l’aimable rugissement d’un tigre offensé ; mon vin est assez bon pour une carcasse qui ramassera avant peu la poussière du spoliarium1.

—Est-ce ainsi que tu croasses, vieux corbeau ? reprit le gladiateur d’un air dédaigneux ; tu vivras assez pour te pendre de dépit quand tu me verras obtenir la couronne de palmier ; et, dès que j’aurai gagné la bourse à l’amphithéâtre, mon premier vœu sera certainement de renier à jamais toi et ton détestable vin.

Écoutez, écoutez donc ce modeste Pyrgopolinices ! il a servi assurément sous Bombochidès, Cluninstaridysarchidès 2, s’écria l’aubergiste ; Sporus, Niger, Tetraidès, il déclare qu’il gagnera la bourse sur vous. Par les dieux, chacun de vos muscles est assez fort pour l’étouffer tout entier, ou moi, je ne connais plus rien à l’arène.

1. L’endroit où l’on traînait ceux qui étaient tombés morts ou mortelloment blessés dans l’arène.

2.Miles gloriosus,act. I.