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LES DERNIERS JOURS


ODE ANACRÉONTIQUE.

Dans la coupe où tu bois l’ivresse,
La grappe a versé son beau sang ;
Dans les veines de la jeunesse,
Circule un nectar plus puissant.
Généreux, splendide,
Comme un feu liquide,
Il jette dans tes yeux un éclat ravissant.

Je vois que ta lèvre s’enivre,
À Bacchus donne ta raison ;
La grappe a la clef quidélivre
L’homme de sa rude prison.
Bacchus, à sa gloire,
T’ordonne de boire,
Quand la lampe en secret éclaire la maison.

Bois donc ; dans tes yeux pleins de charmes,
Moi, je cherche un plus doux transport.
Souris au vin. 4 moi tes larmes,
Si jamais tu te plains du sort.
Retourne la tête
Et vois ta conquête ;
Un regard de toi, beau jeune homme, ou la mort !


Le chant expiré, un groupe de très-jeunes filles, enlacées d’une chaîne de fleurs étoilées, et qui surpassaient les Grâces en les imitant, s’avança vers lui en dansant des pas ioniens, semblables aux pas des Néréides lorsqu’elles jouaient au clair de la lune sur les sables de la mer Égée, ou à ceux que Gythérée enseignait à ses nymphes au mariage de Psyché et de son fils.

Tantôt en s’approchant, elles couronnaient son front de leurs guirlandes ; tantôt la plus jeune des trois, s’agenouillant, lui présentait la coupe où étincelait et bouillonnait le vin de Lesbos. Le jeune homme ne résista plus ; il saisit le breuvage enchanté. Le sang coulait impétueusement dans ses veines. Il laissa tomber son front sur le sein de la nymphe auprès de laquelle il était assis ; et tournant ses yeux humides vers Arbacès qu’il cherchait, et auquel il n’avait plus songé dans l’excès de ses émotions, il l’aperçut assis sous un dais au bout de la table ; Arbacès le regardait avec un air souriant, qui l’invitait à s’abandonner au plaisir. Il l’aperçut, non pas