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DE POMPÉI

fleurir pour nous ; jouis alors que tu peux jouir, sois toujours Apœcides, mon pupille et mon adepte. Je t’enseignerai le mécanisme de la nature, ses plus profonds et ses plus sombres secrets, la science que les fous appellent magie, et les puissants mystères des étoiles. Ainsi tu rempliras tes devoirs envers leshommes ; ainsi tu éclaireras ta race. Mais je t’initierai à des plaisirs que le vulgaire des hommes ne connaît pas : les jours que tu sacrifieras aux mortels seront suivis de douces nuits où tu ne sacrifieras qu’à toi-même. »

Au moment où l’Égyptien cessa de parler, il s’éleva de tous côtés la plus enivrante musique que la Lydie ait jamais pu enseigner, ou l’Ionie perfectionner. On eût dit comme des vagues d’harmonie qui venaient baigner les sens à l’improviste, les énervant, les subjuguant avec délices. On aurait cru entendre les mélodies des esprits invisibles, que les bergers ont entendus dans l’âge d’or, courant, flottant dans les vallées de la Thessalie, ou dans les bosquets de Paphos. Les paroles qu’Apœcides allait proférer, en réponse aux sophismes de l’Égyptien, s’évanouirent sur ses lèvres. Rompre cet enchantement lui eût semblé une profanation. La susceptibilité de sa nature si prompte à s’émouvoir, la mollesse toute grecque et l’ardeur secrète de son âme, furent saisies et captivées par surprise. Il s’inclina sur son siège, les lèvres entr’ouvertes et les oreilles attentives ; un chœur de voix, douces et pénétrantes comme celles qui réveillèrent Psyché dans le palais de l’Amour, chantait l’hymne que voici :


L’HYMNE D’ÉROS.

Non loin des bords si frais que le Céphise arrose,
S’éleva dans les airs un chant délicieux.
Téos d’un vif éclat vit s’empourprer sa rose ;
Des colombes soudain descendirent des cieux.

Laissant tomber des fleurs, les Heures, pour l’entendre,
Arrêtèrent leur vol d’avance si réglé.
La terre murmura le soupir le plus tendre
De l’antre du dieu Pan à la grotte d’Églé.

« Aimez, aimez, mortels soumis à mon empire,
Je suis le dieu d’amour, le plus ancien des dieux.
L’Olympe tout entier s’éclaire à mon sourire ;
Du matin mon baiser entr’ouvre les beaux yeux.

« Les astres sont à moi : mon regard en eux brille ;