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DE POMPÉI

connaissons, nous ne pouvons connaître rien que ses attributs, sa puissance et sa régularité invariable : régularité sévère, écrasante, impitoyable, qui ne se préoccupe pas des cas individuels, qui va roulant, balayant, embrasant tout, sans prendre garde aux cœurs séparés de la masse générale broyés entre ses serres terriblesl Le mélange du bien et du mal, l’existence de la douleur et du crime, ont de tout temps embarrassé les sages. En créant un Dieu, Ils le supposèrent bienveillant : d’où vient donc le mal ? Pourquoi Dieu le permet-il ? bien plus, pourquoi l’avoir inventé, pourquoi le perpétuer ? En réponse à cette objection, les Perses imaginent un second esprit, dont la nature est le Mal, et prétendent qu’il est continuellement en guerre avec le Dieu du Bien. Le sombre et terrible Typhon est un démon pareil pour les Égyptiens. Erreur embarrassante qui nous égare encore plus ! Folie produite par cette chimère de vouloir faire un être palpable, corporel, humain, de ce pouvoir inconnu ; folie qui revêt l’Invisible des attributs et de la nature de l’être visible. Non ; donnons à cette puissance un nom qui n’exige pas ces étranges associations d’idées, et le mystère deviendra plus clair. Ce nom est laNécessité ! Le destin, disent les Grecs, commande aux dieux : pourquoi des dieux alors ? leur intervention n’est plus utile ? il faut les rejeter. La Nécessité est la maîtresse de tout ce que nous voyons. Puissance, régularité, ces deux qualités composent sa nature ; si vous en demandez davantage, vous ne pouvez plus rien apprendre. Qu’elle soit éternelle, et qu’elle pousse ses créatures vers une autre vie, après ce sombre passage que nous appelons la mort, personne ne peut le dire. Ici nous quittons le pouvoir ancien, invisible, insondable, et nous arrivons à celui qui à nos yeux est le grand ministre de ses fonctions. Nous pouvons mieux parler de celui-ci, parce que nous pouvons apprendre plus de choses de lui ; son évidence nous entoure : il se nomme la Nature. L’erreur des sages a été de rechercher les attributs de laNécessité, dans laquelle tout est obscurité impénétrable. S’ils s’étaient bornés à interroger la Nature, quelles connaissances n’aurions-nous pas déjà acquises ? là, la patience et l’examen obtiennent la récompense de leurs peines. Nous voyons ce que nous explorons, notre esprit monte par une échelle palpable de causes et d’effets : la Nature est le grand agent de l’univers extérieur, et la Nécessité lui impose les lois par lesquelles elle agit, et nous accorde à nous les pouvoirs de l’examen. Ces pouvoirs consistent dans la curiosité et dans la mémoire, dont l’union est la