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LES DERNIERS JOURS

l’infini. En cet état, toute sagesse consiste nécessairement dans la solution de deux questions. Que devons-nous croire ? Que devons-nous rejeter ? Ces questions, vous souhaitez que je les décide. »

Apœcides baissa la tête en signe d’assentiment.

« Il faut une croyance à l’homme, continua l’Égyptien d’un ton grave ; il doit attacher ses espérances à quelque chose : c’est notre commune nature qui parle en vous, lorsque, effrayé de voir tomber tout ce qui servait d’appui à votre foi, vous vous trouvez flottant sur la mer profonde et sans rivages de l’incertitude ; vous appelez au secours, vous cherchez une planche où vous puissiez vous cramponner, afin d’aborder à quelque terre, si ténébreuse et si éloignée qu’elle soit : vous n’avez pas oublié notre conversation d’aujourd’hui ?

— L’oublier !

— Je vous ai avoué que ces déités en l’honneur desquelles on fait fumer tant d’encens n’étaient que des inventions. Je vous ai avoué que nos rites et nos cérémonies n’étaient que des momeries, imaginées pourabuserle troupeau des hommes dans son propre intérêt. Je vous ai expliqué comment ces artifices formaient les liens de la société, l’harmonie du monde, le pouvoir du sage, pouvoir fondé sur l’obéissance du vulgaire. Conservons donc ces supercheries salutaires ; puisqu’il faut une croyance à l’homme, qu’il garde celle que ses pères lui ont rendue chère, celle que l’usage sanctifie et fortifie. En cherchant une foi plus subtile pour nous, dont les sens plus délicats ne sauraient s’accommoder à celle-là, ne privons pas les autres de l’appui qui nous manque. Cela est sage, cela est bienfaisant.

— Continuez.

— Ainsi donc, poursuivit l’égyptien, les anciennes limites demeurant intactes pour ceux que nous allons abandonner, nous ceignons nos reins, et nous partons pour les nouveaux climats de la foi. Bannissez de vos souvenirs, de vos pensées, tout ce que vous avez cru jusqu’à ce jour. Supposez que votre esprit est une table rase, un papyrus sur lequel on n’a rien écrit encore, préparé pour recevoir une première impression. Jetez les yeux sur le monde ; observez-en l’ordre, la régularité le dessein : il a été créé indubitablement. L’œuvre proclame un créateur ; nous touchons terre ici. Mais quel est le créateur ? un Dieu, vous écriez-vous ? Arrêtez, pas de confusions, pas d’applications incertaines : de l’Être qui créa le monde nous ne