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LES DERNIERS JOURS

— Ô terre ! cria le jeune prêtre en se frappant le sein avec passion ; de quelle région mes yeux apercevront-ils enfin le véritable Olympe habité réellement par les dieux ?Faut-il croire, avec cet homme, que tous ceux que depuis tant de siècles mes ancêtres ont adorés n’ont été qu’un nom ? Faut-il donc briser, comme sacriléges et profanes, les autels mêmes que je considérais comme sacrés, ou bien dois-je penser avec Arbacès… quoi ? »

Il se tut, et s’éloigna rapidement, avec l’impatience d’un homme qui essaye de se fuir lui-même.

Mais le Nazaréen était, de son côté, un de ces hommes hardis, vigoureux, enthousiastes, au moyen desquels Dieu, dans tous les temps, a opéré les révolutions de la terre, un de ceux surtout qu’il emploie dans l’établissement ou la réforme de son culte, de ces hommes faits pour convertir, parce qu’ils sont prêts à tout souffrir. Les gens de cette trempe, rien ne les décourage, rien ne les arrête ; ils inspirent la ferveur dont ils sont inspirés :

leur raison allume d’abord leur passion, mais leur passion 

est l’instrument dont ils se servent ; ils pénètrent par force dans le cœur des hommes, en ayant l’air de ne faire appel qu’à leur jugement. Rien de si contagieux que l’enthousiasme. C’est l’enthousiasme qui est l’allégorie réelle de la fable d’Orphée ; il fait mouvoir les pierres, il charme les bêtes sauvages : l’enthousiasme est le génie de la sincérité, et la vérité n’obtient aucune victoire sans lui.

Olynthus ne laissa pas Apœcides s’échapper si subitement ; il le rejoignit, et s’adressa ainsi à lui :

« Je ne m’étonne pas, Apœcides, si je vous importune, si j’ébranle tous les éléments de votre esprit, si vous vous perdez dans le doute, si vous errez dans le vaste océan d’une rêverie ténébreuse. Je ne m’étonne pas de cela ; mais écoutezmoi avec un peu de patience ; veillez en paix : l’obscurité se dissipera, la tempête s’apaisera, et Dieu lui-même, comme on l’a vu marcher sur les mers de Samarie, s’avancera sur les vagues tumultueuses de votre esprit pour délivrer votre âme. Notre religion est jalouse dans ses exigences, mais infiniment prodigue dans ses bienfaits : elle vous trouble une heure ; elle vous donne en revanche l’immortalité.

— De telles promesses, répondit Apœcides avec humeur, sont des leurres avec lesquels on ne cesse de tromper les hommes. C’est avec des paroles semblables qu’on m’a fait tomber aux pieds de la statue d’Isis.