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DE POMPÉI

pierres précieuses, en distillaient les onguents les plus rares pour frotterles baigneurs. Le nombre de ces smegmata dont se servaient les personnes riches remplirait un volume, surtout si le volume était publié par un de nos éditeurs à la mode. C’était l’amoracimum, le megalium, le nardum… omne quod exit in um. Pendant ce temps, une douce musique se faisait entendre dans une chambre voisine, et ceux qui usaient des bains avec modération, rafraîchis et ranimés par cette gracieuse cérémonie, causaient avec toute la vivacité et toute la fraîcheur d’une existence rajeunie.

« Béni soit celui qui a inventé les bains ! dit Glaucus en s’étendant sur un des sièges de bronze (recouverts alors de moelleux coussins) que le visiteur de Pompéi trouve encore dans ce même tepidarium. Que ce soit Hercule ou Bacchus, il mérite l’apothéose !

— Mais dites-moi, demanda un citoyen chargé d’embonpoint, lequel soupirait et soufflait pendant que le grattoir s’exerçait sur sa peau ; dites-moi, ô Glaucus !. Maudites soient tes mains, esclave, tu m’écorches !… Dites-moi… aïe ! aïe !… les bains de Rome sont-ils aussi magnifiques qu’on ie dit ?

Glaucus se retourna et reconnut Diomède, non pas sans difficulté, tant les joues du brave homme étaient enflammées par la transpiration et par l’opération qu’il subissait. « Je me figure qu’ils sont bien plus beaux que ceux-ci, n’est-ce pas ? » Glaucus, retenant un sourire, répondit :

« Imaginez tout Pompéi converti en bains, et vous vous formerez alors une idée de la grandeur des thermes impériaux de Rome, mais seulement de la grandeur ; imaginez tous les amusements de l’esprit et du corps ; énumérez tous les jeux gymnastiques que nos ancêtres ont inventés ; rappelez-vous tous les livres que l’Italie et la Grèce ont produits ; supposez des salles pour ces jeux, des admirateurs pour tous ces ouvrages ; ajoutez à cela des bains de la plus grande dimension et de la construction la plus compliquée ; mêlez-y partout des jardins, des théâtres, des portiques, des écoles ; figurez-vous, en un mot, une cité de dieux, composée uniquement de palais et d’édifices publics, et vous aurez une image assez faible encore de la magnificence des grands bains de Rome.

— Par Hercule ! dit Diomède en ouvrant les yeux, il y a de quoi employer toute la vie d’un homme rien qu’à se baigner.

— Cela se voit souvent à Rome, reprit gravement Glaucus.