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LES DERNIERS JOURS

Pendant cette exclamation du sculpteur, Fulvius, poëte romain que ses compatriotes déclaraient immortel, et dont le nom, sans cette histoire, ne serait pas parvenu jusqu’à notre siècle négligent, Fulvius s’approcha vivement de Glaucus.

« Ô mon Athénien, mon Glaucus, dit-il, vous êtes venu pour entendre mon ode. C’est un honneur que vous me faites, vous, un Grec, qui rendez poétique le langage ordinaire de la vie. Combien je vous remercie ! Ce n’est qu’une bagatelle ; mais, si j’obtiens votre approbation, je pourrai peut-être arriver jusqu’à Titus. Ô Glaucus ! un poëte sans patron est une amphore sans étiquette : le vin peut être bon, mais personne ne lui rend hommage ; et que dit Pythagore ? «L’encens est pour les dieux, la louange pour l’homme ; » un patron est donc le prêtre du poëte : il lui procure l’encens et lui gagne des croyants.

— Mais tout Pompéi est votre patron, tout portique est un autel élevé en votre honneur.

— Ah ! oui, les pauvres Pompéiens sont très-honnêtes. ils aiment à honorer le mérite ; mais ce ne sont que les habitants d’une petite ville… Spero meliora… Entrerons-nous ?

— Certainement ; nous perdons le temps que nous passons à ne pas écouter votre poëme. »

En ce moment, une vingtaine de personnes se précipitèrent des bains dans le portique, et un esclave de garde à la porte d’un petit corridor admit dans ce passage le poëte, Glaucus, Claudius et un groupe des autres amis du poëte.

« Pauvre salle, comparée aux thermes de Rome ! dit Lépidus avec mépris.

— Ceci est pourtant d’un assez bon goût,» dit Glaucus, disposé à trouver toute chose charmante, en désignant les étoiles qui décoraient le plafond.

Lépidus haussa les épaules, mais il était trop indolent pour répondre.

Ils entrèrent alors dans une chambre un peu plus spacieuse, qui servait d’apoclyterium (lieu où les baigneurs se préparaient à leurs voluptueuses ablutions) ; le plafond cintré s’élevait au-dessus d’une corniche que décoraient brillamment des peintures grotesques et bigarrées ; il était lui-même divisé en blancs compartiments bordés de cramoisi d’une très-riche façon ; le pavé net et brillant était composé de blanches mosaïques ; autour des murs se trouvaient des bancs pour la commodité des paresseux. Cette salle