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DE POMPÉI

Fortune. À l’aile du portique était assis le gardien du bain, ayant devant lui deux boîtes, l’une pour l’argent qu’il recevait, l’autre pour les billets qu’il distribuait. Des personnes de toutes classes se reposaient sur des sièges, tandis que d’autres, selon l’ordonnance prescrite par les médecins, se promenaient d’un bout à l’autre du portique, et s’arrêtaient çà et là pour regarder les innombrables affiches de jeux, de ventes ou d’expositions, qui étaient peintes ou inscrites sur les murs. Le spectacle annoncé dans l’amphithéâtre faisait le principal sujet de la conversation ; et chacun des survenants était questionné vivement par quelque groupe empressé de savoir si Pompéi avait eu aussi la chance de rencontrer quelque monstrueux criminel, convaincu de sacrilége ou de meurtre, qui permettrait enfin aux édiles de jeter un homme à dévorer au lion ; tous les autres divertissements paraissaient pâles et fastidieux, comparésà la probabilité de cette bonne fortune.

« Pour ma part, dit un orfèvre à l’air enjoué, je pense que l’empereur, s’il est aussi généreux qu’on le prétend, ferait bien de nous envoyer un juif.

— Pourquoi ne pas prendre un des nouveaux adeptes de la secte des Nazaréens ? dit un philosophe ; je ne suis pas cruel ; mais un athée, qui nie Jupiter lui-même, ne mérite pas de pitié.

— Je ne m’inquiète pas du nombre de dieux que peut adorer un homme, reprit l’orfévre ; mais les renier tous, voilà qui est monstrueux.

— Cependant, dit Glaucus, j’imagine que ces gens ne sont pas absolument athées : on m’a assuré qu’ils croyaient à un dieu et à un autre monde.

— C’est une erreur, mon cher Glaucus, répondit le philosophe ; j’ai conféré avec eux : ils m’ont ri au nez lorsque j’ai parlé dePluton et du Tartare.

— Dieux tout-puissants ! s’écria l’orfévre avec horreur ; y a-t-il quelques-uns de ces misérables à Pompéi ?

— Il y en a, mais peu. Ils se rassemblent dans des lieux si secrets qu’il est impossible de les découvrir. »

Glaucus s’éloigna de quelques pas. Un sculpteur, enthousiaste de son art, le contempla avec admiration.

« Ah ! s’écria-t-il, si nous pouvions mettre celui-là dans l’arène ! quel beau modèle cela ferait ! Quels membres ! quelle tête ! Il aurait dû être gladiateur1 C’est un sujet. un vrai sujet digne de notre art. Pourquoi ne le donne-t —on pas au lion ? »