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LES DERNIERS JOURS

pas, en agissant ainsi, fait des lois contre leurs propres enfants, que les femmes doivent élever, contre les maris eux-mêmes, dont les femmes devraient être les amies toujours, et quelquefois les conseillères ? »

Ione se tut soudain ; une rougeur ravissante se répandit sur sa figure. Elle craignit que cet enthousiasme ne fût allé trop loin. Cependant elle redoutait moins l’austère Arbacès que le tendre Glaucus : car elle aimait le dernier, et ce n’était pas l’usage des Grecs de permettre aux femmes (à celles du moins qu’ils honoraient) la liberté dont jouissaient celles de l’Italie. Ce fut avec un vif sentiment de joie qu’elle entendit Glaucus s’écrier :

« Puissiez-vous toujours penser ainsi, Ione ! puisse votre cœur innocent être toujours votre guide ! Heureuse eût été la Grèce, si elle avait jamais permis aux femmes chastes les priviléges de l’esprit, si célèbres chez les moins respectables de ses beautés ! Aucune décadence ne provient de la liberté ni de la science, lorsque votre sexe sourit à l’homme libre et sait apprécier et encourager l’homme sage. »

Arbacès gardait le silence, car il ne lui convenait ni d’approuver l’opinion de Glaucus, ni de condamner celle d’Ione ; après une conversation brève et embarrassée, Glaucus se retira.

Lorsqu’il fut parti, Arbacès, rapprochant son siège de celui de la belle Napolitaine, dit, d’une voix adoucie et pénétrante, sous laquelle il savait si bien dissimuler l’artifice et l’opiniâtreté de son caractère :

« Ne croyez pas, ma douce pupille, s’il m’est permis de vous appeler ainsi, que je veuille gêner cette liberté dont vous savez vous faire un honneur ; mais quoique, ainsi que vous l’avez observé avec justesse, elle ne surpasse pas celle des dames romaines, il est bon qu’une personne qui n’est pas encore mariée n’en use qu’avec discrétion. Continuez à attirer à vos pieds tout ce qu’il y a de gai, de brillant, de sage même, autour de vous ; continuez à charmer cette foule d’adorateurs avec la conversation d’une Aspasie, les accords d’une Érinna ; mais considérez, néanmoins, que des langues promptes à la censure peuvent aisément ternir la réputation d’une jeune fille ; et lorsque vous provoquez l’admiration, je vous en conjure, ne donnez pas prise à l’envie.

— Que voulez-vous dire, Arbacès ? s’écria Ione d’une voix tremblante et alarmée ; je sais que vous êtes mon ami, que