Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/69

Cette page n’a pas encore été corrigée
57
DE POMPÉI

Il détourna la tête à ces mots avec un sourire presque imperceptible, et, après un instant de silence, il s’adressa à Ione :

« Je n’ai pas été assez fortuné, belle Ione, pour vous rencontrer chez vous les deux ou trois dernières fois que je suis venu pour vous rendre visite.

— La douceur de la mer m’avait tentée de sortir, » reprit Ione avec un léger embarras.

Cet embarras n’échappa pas àArbacès ; mais sans paraître le remarquer, il reprit en souriant :

« Vous savez que le vieux poëte a dit : « Les femmes doivent rester dans leur maison et y converser[1]. »

— Ce poëte était un cynique, dit Glaucus : il haïssait les femmes.

— Il parlait selon la coutume de son pays, et ce pays était votre Grèce si vantée.

— Autres temps, autres mœurs ; si nos ancêtres avaient connu Ione, ils auraient suivi une autre loi.

— Avez-vous appris ces manières galantes à Rome ? dit Arbacès avec une émotion mal déguisée.

— Ce n’est pas du moins en Égypte que je serais allé apprendre la galanterie, répondit Glaucus en jouant nonchalamment avec sa chaîne.

— Allons, allons, dit Ione en s’empressant d’interrompre une conversation dont le commencement ne répondait pas au désir qu’elle avait de cimenter une amitié réelle entre Glaucus et l’Égyptien ; allons, allons, il ne faut pas qu’Arbacès soit si sévère pour sa pauvre pupille. Orpheline élevée sans les soins d’une mère, je puis être blâmée de l’indépendance de ma vie, plus convenable pour un homme que pour une femme ; cependant, c’est celle à laquelle les femmes romaines sont accoutumées, et que les grecques auraient raison d’adopter. Hélas1 est-ce donc seulement chez les hommes qu’on peut voir la liberté et la vertu réunies ? L’esclavage, votre perte, serait-il donc considéré comme notre salut ? Ah ! croyez-moi, ç’a été une grande erreur des hommes, une erreur qui a tristement influé sur leurs destinées, d’imaginer que la nature des femmes est (je ne dis pas inférieure à la leur, cela peut être), mais si différente, qu’ils se soient crus obligés de faire des lois peu favorables au développement de notre esprit ! N’ont-ils

  1. Euripide.