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LES DERNIERS JOURS

regarde du haut des cieux notre monde, sourit avec sympathie à la sagesse qui a produit de pareils résultats. Mais tu sembles désirer que j’applique ces généralités à toi-même : j’obéis volontiers à tes désirs. Les autels de la déesse de notre ancienne foi doivent être desservis, et doivent l’être par ces individus sans intelligence et sans âme, qui ne sont pour ainsi dire que des clous et des crochets où se suspendent la robe et le bandeau. Rappelle-toi deux maximes de Sextius le pythagoricien, maximes empruntées à la science de l’Égypte. La première : « Ne parle pas de Dieu à la multitude ; » la seconde : « L’homme digne de Dieu est un dieu parmi les hommes.» De même que le génie a donné aux ministres d’Égypte le culte, cet empire si fâcheusement déchu dans les derniers temps, de même il appartient au génie d’en rétablir la domination. J’ai trouvé en vous,Apœcides, un disciple digne de mes leçons, un ministre digne de la grande œuvre que nous devons accomplir : votre énergie, vos talents, la pureté de votre foi, la promptitude de votre enthousiasme, tout vous préparait à cet emploi, qui demande de si hautes et de si ardentes qualités. J’ai donc excité vos désirs sacrés ; je vous ai encouragé à marcher dans la voie que vous aviez prise. Mais vous m’en voulez de ce que je ne vous ai pas fait connaître les petites âmes et les jongleries de vos compagnons. Si je l’avais fait, Apœcides, j’aurais défait mon propre ouvrage ; votre noble nature se serait révoltée : Isis eût perdu un prêtre. »

Apœcides poussa un profond soupir. L’Égyptien continua sans prendre garde à cette interruption.

« Je vous plaçai en conséquence, sans préparation, dans le temple ; je vous laissai à vous-même le soin de découvrir les momeries qui éblouissent la foule et de vous en formaliser ; je souhaitais que vous pussiez apercevoir de vos propres yeux les ressorts qui font jaillir les eaux rafraîchissantes où le monde puise la paix : c’était l’ancienne épreuve ordonnée autrefois par nos prêtres. Ceux qui s’accoutument aux impostures du vulgaire, on les laisse les pratiquer. Pour ceux qui vous ressemblent et dont la nature plus haute demande un autre but, la religion leur dévoile ses mystères divins. Je suis heureux de rencontrer en vous le caractère que j’attendais. Vous avez prononcé vos vœux, vous ne pouvez reculer. Avancez, je serai votre guide.

— Et qu’as-tu donc à m’apprendre encore, homme étrange et redoutable ? de nouvelles tromperies, de nouveaux.