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DE POMPÉI

et ce qui était en réalité gouvernement prit le nom de religion. Isis est une fable ; ne te scandalise pas ! car le type d’Isis représente en réalité un être immortel. Isis n’est rien ; la nature, dont elle est le symbole, est la mère de toutes choses. Sombre, ancienne, insondable, excepté pour un petit nombre d’initiés : « Aucun mortel ne m’a jamais ôté mon voile, » dit cette Isis que tu adores ; mais pour les sages, ce voile a été soulevé ; nous nous sommes tenus face à face devant la solennelle beauté de la nature. Les prêtres ont donc été les bienfaiteurs, les civilisateurs de l’humanité, quoiqu’ils fussent en même temps des imposteurs, si tu veux les appeler ainsi. Mais crois-tu, jeune homme, que, s’ils n’avaient pas trompé les hommes, ils eussent pu les servir ? La foule, ignorante et servile, a besoin d’un bandeau pour être conduite à son propre bonheur. On ne brise pas une maxime, on révère un oracle. L’empereur de Rome étend sa domination sur diverses tribus de la terre, et met de l’harmonie entre ces éléments contraires et désunis : de là naissent la paix, l’ordre, la loi, les félicités de la vie. Crois-tu que ce soit l’homme, que ce soit l’empereur qui règne ainsi ? non : c’est la pompe, le respect, la majesté qui l’entourent… telles sont ses impostures, telle est sa magie. Nos oracles et nos divinations, nos rites et nos cérémonies, ne sont que les moyens de notre souveraineté, les instruments de notre pouvoir : les uns et les autres mènent à la même fin, au bien-être et à l’harmonie de l’humanité. Tu m’écoutes avec plus d’attention et d’ardeur… la lumière se fait dans ton esprit. »

Apœcides demeurait silencieux ; mais les rapides émotions dont on pouvait saisir le passage sur sa figure expressive trahissaient l’effet des paroles de l’Égyptien, paroles rendues plus éloquentes encore par l’aspect et les gestes du personnage.

« Ainsi donc, continua Arbacès, pendant que nos prêtres du Nil établissaient les premiers éléments au moyen desquels le chaos est détruit, à savoir l’obéissance respectueuse de la multitude au petit nombre, ils tiraient de leurs majestueuses et célestes méditations cette sagesse qui n’était plus une imposture. Ils inventaient les codes et la régularité des lois, les arts et les gloires de l’existence ; ils demandaient la foi, ils donnaient en retour les bienfaits de la civilisation : leur tromperie, n’était-ce pas de la vertu ? Crois-moi, tout être d’une nature bienfaisante, d’une essence plus éthérée, qui