Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée
52
LES DERNIERS JOURS

société des dieux, des révélations du ciel ; et maintenant. maintenant !… »

Un sanglot convulsif étouffa la voix du prêtre. Il se couvrit le visage de ses mains, et de grosses larmes se firent passage à travers ses doigts et inondèrent ses vêtements.

« Ce que je t’ai promis je te le donnerai, mon ami, mon élève ; les choses dont tu te plains n’ont été que des épreuves pour ta vertu ; ton noviciat n’a fait qu’en rehausser l’éclat. Ne pense plus à toutes ces fourberies de bas étage. Il est temps que tu ne sois plus confondu avec ces esclaves de la déesse, serviteurs subalternes de son temple. Tu es digne d’entrer dans l’enceinte sacrée. Je serai désormais ton prêtre, ton guide ; et toi qui maudis en ce moment mon amitié, tu vivras pour la bénir. »

Le jeune homme releva la tête et regarda l’Égyptien avec un vague étonnement.

« Écoute-moi, continua Arbacès d’une voix plus puissante et plus solennelle, après avoir eu soin de s’assurer qu’ils étaient seuls. De l’Égypte est venue toute la science du monde. À l’Égypte Athènes emprunta sa philosophie, et la Crète sa profonde politique. À l’Égypte appartenaient ces tribus mystérieuses qui (longtemps avant que les hordes de Romulus se répandissent dans les plaines de l’Italie et fissent rentrer la civilisation dansla barbarie et dans les ténèbres) possédaient tous les arts de la sagesse et toutes les grâces de la vie intellectuelle. De l’Égypte sont sortis les rites et la grandeur de cette solennelle Cæré, dont les habitants enseignèrent à leurs vainqueurs romains tout ce qu’ils connaissent aujourd’hui de plus élevé comme religion, de plus sublime comme culte. Et de quelle façon penses-tu, jeune homme, que cette redoutable Égypte, mère de nations sans nombre, soit parvenue à sa puissance et à la haute conception de la sagesse ? ce fut le résultat de sa profonde et sainte politique. Vos nations modernes doivent leur grandeur à l’Égypte ; l’Égypte doit sa grandeur à ses prêtres. Recueillis en eux-mêmes, ne briguant d’empire que sur la plus noble partie de l’homme, sur son âme et sur sa foi, ces anciens ministres de Dieu étaient inspirés des plus grandes pensées qui aient jamais exalté des mortels. Les révolutions des astres, les saisons de la terre, l’éternel cercle des destinées humaines, leur offrirent une auguste allégorie : ils la rendirent palpable et visible aux yeux du vulgaire par des signes, les dieux et les déesses ;