Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée
51
DE POMPÉI

chement de ses fibres. Sa figure avait une frappante ressemblance avec celle d’Ione ; mais l’expression différait beaucoup de ce calme majestueux et spirituel qui donnait à la beauté de sa sœur un repos divin, et que maintenant nous appellerions classique. Chez elle l’enthousiasme était visible, quoique toujours modeste et contenu ; c’était là le charme et le sentiment de sa physionomie ; on éprouvait ce désir qu’excitait un esprit qui paraissait tranquille, mais qui ne sommeillait pas. Chez Apœcides, tout révélait la ferveur et la passion de son tempérament ; et la portion intellectuelle de sa nature, par les larges flammes de ses yeux, par la largeur de ses tempes comparée à la hauteur de ses sourcils, par le frémissement de ses lèvres, semblait être sous l’empire d’une rêverie idéale et profonde. L’imagination de la sœur s’était arrêtée au seuil sacré de la poésie ; celle de son frère, moins heureuse et moins retenue, s’était égarée dans le champ des visions impalpables et sans formes ; les facultés qui avaient paré l’une des dons du génie menaçaient d’apporter la folie à l’autre.

« Vous prétendez que j’ai été votre ennemi, dit Arbacès ; je connais la cause de cette inj uste accusation. Je vous ai placé parmi les prêtres d’Isis ; vous vous révoltez de leurs supercheries et de leurs impostures. Vous pensez que je vous ai trompé aussi ; la pureté de votre cœur s’en offense ; vous vous imaginez que je suis aussi un imposteur.

— Vous connaissiez les jongleries de ce culte impie, répondit Apœcides ; pourquoi me les avoir cachées ? Lorsque vous me pressiez si vivement de me dévouer à cette profession dont je porte le costume, vous ne cessiez de me parler de la sainte vie de ces hommes consacrés à la science ; vous m’avez jeté dans la compagnie d’un ignorant et sensuel troupeau, qui n’a d’autres connaissances que celles des fraudes les plus grossières ; vous me parliez d’hommes sacrifiant les plaisirs mondains à la sublime étude de la vertu, et vous m’avez mis au milieu d’hommes souillés de tous les vices ; vous me parliez d’amis, de guides flamboyants du genre humain : je ne vois que des trompeurs et des traîtres. Oh ! vous avez eu tort. Vous m’avez enlevé la gloire de ma jeunesse, ma foi sincère à la vertu, ma soif sanctifiante de sagesse. Jeune comme j’étais, riche, plein de ferveur, ayant devant moi tous les brillants plaisirs de la terre, je me résignai sans soupirer, avec bonheur, avec exaltation, dans la pensée que j’allais pénétrer les mystères de la sagesse suprême, jouir de la