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LES DERNIERS JOURS

elle était entourée : à cette heure-là, les rues étaient silencieuses et tranquilles, et sa jeune oreille ne fut pas choquée par les sons qui se faisaient entendre trop souvent dans les repaires obscurs et obscènes qu’elle traversait patiemment et tristement.

Elle frappa à la porte de derrière d’une sorte de taverne. On ouvrit, et une voix rude lui ordonna de rendre compte des sesterces qu’elle avait pu recueillir. Avant qu’elle eût eu le temps de répondre, une autre voix, accentuée d’une façon un peu moins vulgaire, dit :

« Ne t’inquiète pas de ces petits profits, Burbo. La voix de la petite sera bientôt redemandée aux riches festins de notre ami, et tu sais qu’il paye à un haut prix les langues de rossignols.

— Oh ! j’espère que non… Je ne le pense pas, s’écria Nydia en tremblant. Je veux bien mendier depuis l’aurore jusqu’au coucher du soleil, mais ne m’envoyez plus chez lui.

— Et pourquoi cela ? demanda la même voix.

— Parce que… parce que je suis jeune, et délicatement élevée, et que les femmes avec qui je me trouve là ne sont pas une société convenable pour une pauvre fille qui. qui.

— Qui est une esclave dans la maison de Burbo, » reprit la voix ironiquement et avec un grossier éclat de rire.

La Thessalienne posa ses fleurs à terre et, appuyant sa figure sur ses mains, se mit à pleurer.

Pendant ce temps Glaucus se rendait à la demeure de la belle Napolitaine : il trouva Ione au milieu de ses esclaves qui travaillaient à ses côtés. La harpe était près d’elle, car Ione était ce jour là plus oisive, peut-être plus pensive que d’habitude. Elle lui parut plus belle encore à la lumière du jour, et dans sa simple robe, qu’à l’éclat des lampes nocturnes et ornée des précieux joyaux qu’elle portait la veille ; une certaine pâleur répandue sur ses couleurs transparentes ne lui fit pas tort, à ses yeux, pas plus que la rougeur qui monta à son front lorsqu’il s’approcha. Accoutumé à flatter, il sentit la flatterie expirer sur ses lèvres en présence d’Ione. Il comprit que ses regards en diraient plus que ses paroles, et que ce serait amoindrir son hommage que de l’exprimer. Ils parlèrent de la Grèce : c’était un thème sur lequel Ione aimait mieux écouter que parler ; c’était un thème sur lequel l’éloquence du Grec ne tarissait jamais. Il lui dépeignit les bosquets d’oliviers aux teintes argentées qui environnaient encore les temples, déjà dépouillés d’une partie de leurs splendeurs, mais si