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LES DERNIERS JOURS

— Et comment trouvez-vous les fleurs de votre viridarium ? Elles ont prospéré ?

— Admirablement ; les dieux lares eux-mêmes ont dû veiller sur elles.

— Ah ! vous me faites plaisir ; dit Nydia, car je suis venue aussi souvent que je l’ai pu pour les arroser etles soigner pendant votre absence.

— Comment vous remercier, belle Nydia ? ditleGrec.Glaucus ne songeait guère qu’il eût laissé à Pompéi une surveillante si fidèle de ses fleurs favorites. »

Les mains de la jeune fille tremblaient, et son sein s’émut doucement sous les plis de sa tunique. Elle se détourna avec embarras : « Le soleil est bien chaud aujourd’hui pour les pauvres fleurs, dit-elle, et elles doivent croire que je les néglige ; car j’ai été malade, et voilà neuf jours que je ne suis venue les arroser.

— Malade, ma Nydia ! et pourtant vos joues ont plus d’éclat que l’année dernière.

— Je suis souvent souffrante, reprit la pauvre aveugle d’un ton touchant, et, à mesure que je grandis, je regrette davantage d’être privée de la vue. Mais pensons aux fleurs.»

Aussitôt elle fit un léger salut de la tête et, passant dans le viridarium, s’occupa d’arroser les fleurs.

« Pauvre Nydia, se dit Glaucus en la regardant ; bien dur est ton destin ; tu ne vois ni la terre, ni le soleil, ni la lune, ni les étoiles ; bien plus, tu ne peux pas voir Ione. »

Ces derniers mots ramenèrent sa pensée à la soirée de la veille, lorsqu’il fut de nouveau interrompu dans ses rêveries par l’entrée de Claudius. Une preuve de la vivacité avec laquelle son amour s’était accru, et de la délicatesse de ses nouvelles impressions, c’est que, bien qu’il n’eût pas hésité à confier à Claudius le secret de sa première entrevue, et l’effet qu’Ione avait produit sur lui par sa beauté, il éprouva actuellement une invincible aversion à prononcer son nom. Il avait vu Ione, belle, pure, sans tache, au milieu de la jeunesse légère et dissipée de Pompéi, forçant les plus débauchés au respect par le charme de sa personne, et changeant les désirs les plus sensuels en une sorte de contemplation idéale, comme si, par son pouvoir intellectuel et moral, elle renversait la fable de Circé et transformait les animaux en hommes. Ceux qui ne pouvaient comprendre son âme, se spiritualisaient en quelque sorte, grâce à la magie de sa beauté ; ceux qui n’avaient pas des cœurs ca-