Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée
41
DE POMPÉI

qui sont faites pour fasciner Ione ; il faut conquérir son imagination, et la vie d’Arbacès n’a été qu’un long triomphe sur des imaginations de ce genre.

— Quoi ! aucune crainte de vos rivaux ? La galante Italie est cependant familiarisée avec l’art de plaire.

— Je ne crains personne. Son âme méprise la barbarie romaine, et se mépriserait elle-même si elle admettait une pensée d’amour pour un des enfants de cette race née d’hier.

— Mais vous êtes Égyptien, vous n’êtes pas Grec.

— L’Égypte, répondit Arbacès, est la mère d’Athènes ; sa Minerve tutélaire est notre divinité, et son fondateur, Cécrops, était un fugitif de Saïs l’égyptienne. Je l’ai déjà appris à Ione, et dans mon sang elle vénère les plus anciennes dynasties de la terre. Cependant, j’avoue que depuis peu un soupçon inquiet a traversé mon esprit. Elle est plus silencieuse qu’elle n’avait coutume de l’être ; la musique qu’elle préfère est celle qui peint le mieux la mélancolie et pénètre le plus profondément dans l’âme. Elle pleure sans raison de pleurer. Peut-être estce un commencement d’amour ?. Peut-être n’est-ce que le désir d’aimer ? Dans l’un ou l’autre cas, il est temps pour moi d’opérer sur son imagination et sur son cœur : dans le premier cas, de ramenerà moi cette source d’amour qui s’égare ; dans l’autre, de la faire jaillir à mon bénéfice. C’est pour cela que j’ai songé à vous.

— En quoi puis-je vous être utile ?

— Je me propose de l’inviter à une fête chez moi ; je veux éblouir, étonner, enflammer ses sens. Nos arts, au moyen desquels l’Égypte dompte ses novices, doivent être employés dans cette circonstance, et, sous les mystères de la religion, je prétends lui découvrir les secrets de l’amour.

— Ah ! je comprends : un de ces voluptueux banquets auxquels nous autres, prêtres d’Isis, en dépit de la rigueur de nos vœux de mortification, nous avons plus d’une fois assisté dans votre demeure.

— Non, non, pouvez-vous penser que ses chastes yeux soient disposés à voir de telles scènes ? Non ; mais nous devons d’abord séduire le frère… tâche plus facile. Écoutez-moi, voici mes instructions. »