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DE POMPÉI

hommes qu’à servir les dieux. J’appris à Apœcidès à adorer Isis. Je lui révélai quelques-unes des sublimes allégories que son culte voile ; j’excitai dans une âme particulièrement disposée à la ferveur religieuse cet enthousiasme dont la foi remplit l’imagination. Je l’ai placé parmi vous, chez un des vôtres.

— Il est à nous, dit Calénus ; mais, en stimulant sa foi, vous l’avez dépouillé de la sagesse. Il s’effraye de ne plus se sentir dupe. Nos honnêtes fraudes, nos statues qui parlent, nos escaliers dérobés le tourmentent et le révoltent. Il gémit, il se désole et cpnverse avec lui-même ; il refuse de prepdre part à nos cérémonies. On l’a vu fréquenter la compagnie d’hommes suspects d’attachement pour cette secte nouvelle et athée, qui renie tous nos dieux et appelle nos oracles des inspirations de l’esprit malfaisant dont parlent les traditions orientales. Nos oracles, hélas ! nous savons trop où ils puisent leurs inspirations.

— Voilà ce que je soupçonnais, dit Arbacès rêveur, d’après les reproches qu’il m’a adressés la dernière fois que je l’ai rencontré ; il m’évite depuis quelque temps. Je veux le chercher ; je veux continuer mes leçons. Je l’introduirai dans le sanctuaire de la sagesse, je lui enseignerai qu’il y a deux degrés de sainteté : le premier, la foi ; le second, la fraude ; l’un pour le vulgaire, le second pour le sage.

— Je n’ai jamais passé par le premier, dit Calénus, ni vous non plus, je pense, Arbacès.

— Vous êtes dans l’erreur, répliqua gravement l’Égyptien ; je crois encore aujourd’hui, non pas à ce que j’enseigne, mais à ce que je n’enseigne pas ; la nature possède quelque chose de sacré que je ne puis ni ne veux contester ; je crois à ma science, et elle m’a révélé… mais ce n’est pas la question ; il s’agit de sujets plus terrestres et plus attrayants. Si je parvenais ainsi à mon but en ce qui concernait Apœcidès, quels étaient mes desseins sur Ione ? Vous vous doutez déjà que je la destine à être ma reine, ma femme, l’Isis de mon cœur ! Jusqu’au jour où je l’ai vue, j’ignorais tout l’amour dont ma nature est capable.

— J’ai entendu dire de tous côtés que c’était une nouvelle Hélène, dit Calénus, et ses lèvres firent entendre un léger bruit de dégustation (mais était-ce en l’honneur de la beauté d’Ione, ou en l’honneur du vin qu’il venait de boire ? il serait difficile de le dire.)