Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée
37
DE POMPÉI

la foule se retira. Pendant qu’elle se dispersait de côté et d’autre, l’Égyptien demeura près de la grille, et, lorsque le passage fut suffisamment éclairé, un des prêtres s’approcha de lui, et le salua avec toutes les marques d’une amicale familiarité !

La physionomie de ce prêtre était loin de prévenir en sa faveur : son crâne rasé était si déprimé et son front si étroit, que sa conformation se rapprochait beaucoup de celle d’un sauvage de l’Afrique, à l’exception des tempes, où l’on remarquait l’organe appelé acquisivité par les disciples d’une science dont le nom est moderne, mais dont les anciens (comme leurs sculptures nous l’indiquent) connaissaient mieux qu’eux la pratique ; on voyait sur cette tête deux protubérances larges et presque contre nature, qui la rendaient encore plus difforme. Le tour des sourcils était sillonné d’un véritable réseau de rides profondes ; les yeux noirs et petits roulaient dans des orbites d’un jaune sépulcral ; le nez, court mais gros, s’ouvrait avec de grandes narines pareilles à celles des satyres ; ses lèvres épaisses et pâles, ses joues aux pommettes saillantes, les couleurs livides et bigarrées qui perçaient à travers sa peau de parchemin, complétaient un ensemble que personne ne pouvait voir sans répugnance, et peu de gens sans terreur et sans méfiance.

Quelques projets que conçût l’âme, la forme du corps paraissait propre à les exécuter. Les muscles vigoureux du cou, la large poitrine, les mains nerveuses et les bras maigres et longs qui étaient nus jusqu’au-dessus du coude, témoignaient d’une nature capable d’agir avec énergie ou de souffrir avec patience.

« Calénus, dit l’Égyptien à ce flamine de bizarre apparence, vous avez beaucoup amélioré la voix de la statue, en suivant mes avis, et vos vers sont excellents ; il faut toujours prédire la bonne fortune, à moins qu’il n’y ait certitude que la prédiction ne se réalisera pas.

— En outre, ajouta Calénus, si la tempête a lieu, et si elle engloutit les vaisseaux maudits, ne l’aurons-nous pas annoncée, et les vaisseaux ne seront-ils pas au port ? Le marinier dans la mer Égée, dit Horace, prie pour obtenir le repos. Or, quel est le port plus tranquille pour lui que le fond des flots ?

— Très-bien, Calénus ; je voudrais qu’Apœcidès prît des leçons de votre sagesse ; mais j’ai à conférer avec vous relativement à lui et sur d’autres matières ; pouvez-vous m’admettre dans quelque appartement moins sacré ?