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LES DERNIERS JOURS

plaisirs, plaisirs que ne profane pas l’œil du vulgaire, plaisirs vastes, riches, inépuisables, dont vos âmes énervées et émoussées dans leur sensualité grossière ne peuvent se faire une idée, même en rêve. Continuez votre vie, esclaves insensés de l’ambition et de l’avarice ; votre soif de faisceaux, de questorats et de toutes les momeries d’un pouvoir servile, provoque mes rires et mon mépris. Mon pouvoir s’étend partout où règne quelque superstition. Je foule aux pieds les âmes que la pourpre couvre. Thèbes peut tomber ; l’Égypte peut ne plus exister que de nom. L’univers entier fournit des sujets à Arbacès. »

En prononçant ces paroles, l’Égyptien marchait lentement. Lorsqu’il entra dans la ville, sa haute taille le lit remarquer au-dessus de la foule qui remplissait le forum, et il se dirigea vers le petit et gracieux temple consacré à Isis.

Cet édifice n’étaitalors élevé que depuis peu de temps. L’ancien temple avait été renversé par un tremblement de terre soixante ans auparavant, et le nouveau avait obtenu, parmi les inconstants Pompéiens, la vogue qu’une nouvelle église ou un nouveau prédicateur obtiennent parmi nous. Les oracles de la déesse à Pompéi étaient en effet, non-seulement célèbres pour le mystérieux langage qui les enveloppait, mais encore pour le crédit qui s’attachait à leurs ordres et à leurs prédictions. S’ils n’étaient pas dictés par une divinité, ils étaient du moins ipspirés par une profonde connaissance de l’humanité ; ils s’appliquaient exactement à la position de chaque individu, et contrastaient singulièrement avec les banalités des temples rivaux. Au moment où Arbacès arrivait près des grilles qui séparaient l’enceinte profane de l’enceinte sacrée, une foule composée de personnes de toutes les classes, mais particulièrementde marchands, s’assemblait, respirant à peine, et témoignant une profonde dévotion, devant les nombreux autels placés dans la cour… Dans les murs de la Cella, élevés sur sept marches en marbre de Paros, on voyait des niches renfermant différentes statues, et les murs étaient ornés de la grenade consacrée à Isis. Un piédestal oblongoccupait l’intérieur du monument ; il supportait deux statues : l’une d’Isis, et l’autre de son compagnon, le silencieux et mystique Horus. Mais le monument contenait beaucoup d’autres divinités qui formaient, en quelque sorte, la cour de la déesse égyptienne : c’étaient Bacchus son parent, le dieu célèbre sous tant de noms, Vénus de