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DE POMPÉI

gés encore d’ombres sacrées et vénérables. J’entends toujours la voix de la poésie sous les bosquets d’oliviers de l’Ilissus ; les vapeurs du crépuscule sur les hauteurs de Phylé me semblent les linceuls de notre liberté ensevelie, et en même temps les hérauts d’une liberté qui va naitre, d’un matin qui va surgir… Vous souriez de mon enthousiasme, Salluste ? il vaut mieux espérer de voir briser ses fers que de se résigner à les porter dorés. Vous croyez que je ne puis jouir de la vie dans ces mélancoliques retraites d’une majesté tombée ! Vous insistez sur les splendeurs romaines et sur le luxe de la cour impériale ; mon cher Salluste, Non sum qualis eram « je ne suis plus ce que j’étais. » Les événements de ma vie ont assoupi le sang bouillant de ma jeunesse ; ma santé n’a jamais recouvré la vigueur qu’elle possédait avant qu’elle eût connu les angoisses de la maladie, et qu’elle eût langui dans l’obscurité d’un cachot réservé aux criminels… Mon esprit n’a jamais pu écarter entièrement les ténèbres des derniers jours de Pompéi… l’horreur et la désolation de cette terrible ruine… le souvenir de notre bien-aimée, de Nydia, toujours regrettée. J’ai élevé une tombe à son ombre, et je vois ce monument chaque jour de la fenêtre de mon cabinet d’étude ; il conserve en moi une tendre mémoire, une douce tristesse, témoignage bien mérité par sa fidélité et les mystérieuses circonstances de sa mort. Ione cueille les fleurs, et ma main les tresse en guirlandes autour de sa tombe. Elle était digne d’avoir une tombe à Athènes.

« Vous me parlez de la secte croissante des chrétiens à Rome. Salluste, je veux vous confier un secret. J’ai beaucoup réfléchi sur leur croyance. Je l’ai adoptée. Après la destruction de Pompéi, je me suis rencontré de nouveau avec Olynthus, sauvé pour un jour, hélas1 et devenu depuis le martyr de son indomptable énergie et de son zèle. Dans la manière miraculeuse dont j’avais été préservé du lion, et dans ce tremblement de terre, il me fit voir la main d’un dieu inconnu. Je l’écoutai, je crus, j’adorai. Ione, mon Ione, que j’aime plus que jamais, a embrassé aussi cette foi !… Une foi, Salluste, qui, répandant sa lumière sur ce monde, fait de ce glorieux coucher du soleil terrestre l’aube éclatante d’un monde nouveau promis à notre espoir. Nous savons que nous sommes frères, en âme aussi bien qu’en chair, pour toujours, toujours. Les siècles peuvent rouler, notre poussière peut se dissoudre, la terre peut se dessécher ; mais la roue de la vie