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DE POMPÉI

cette longue nuit. Ils se regardèrent et sourirent : ils prirent courage ; ils sentirent une fois encore qu’il existait un monde autour d’eux, un Dieu au-dessus. Persuadés que le moment du péril était passé, les plus fatigués se reposèrent et s’endormirent doucement. À mesure que le jour se faisait, on jouissait d’un silence qui avait manqué à la nuit ; et la barque suivait tranquillement sa route. Quelques autres, portant aussi des fugitifs, apparaissaient çà et là. On eût cru qu’elles étaient sans mouvement sur les flots, mais elles glissaient d’une course rapide. Il y avait un sentiment de sécurité, de bienveillance communeet d’espérance, dans l’aspect de leurs légers mâts et de leurs blanches voiles. Combien d’amis, perdus et oubliés dans l’obscurité, pouvaient avoir trouvé sur ces barques un abri et leur salut !

Dans le silence du sommeil général, Nydia se leva sans bruit : elle se pencha sur la tête de Glaucus ; elle respira le souffle profond qui s’exhalait de son sein endormi ; elle baisa timidement et tristement son front, ses lèvres ; elle chercha sa main ; sa main était unie à celle d’Ione ; Nydia soupira profondément, et son visage devint pâle. Elle baisa de nouveau son front et essuya avec ses cheveux la rosée nocturne dont il était couvert.

« Puissent les dieux te bénir, Athénien ! murmura-t —elle ; Puisses-tu être heureux avec celle que tu aimes !… Puisses-tu te souvenir parfois de Nydia !… Elle ne peut plus être pour toi d’aucune utilité sur la terre. »

En disant ces mots elle s’éloigna un peu ; elle se glissa le long du tillac et des bancs de rameurs, jusqu’à l’extrémité opposée de la barque, puis, s’arrêtant, s’inclina sur les flots. L’écume vint baigner son front que la fièvre brûlait. « C’est le baiser de la mort, dit-elle ; qu’il soit le bienvenu ! » L’air embaumé se jouait dans ses cheveux dénoués ; elle les écarta de sa figure, et leva ses yeux, si tendres quoique sans lumière, vers le ciel, dont elle n’avait jamais vu le doux aspect.

« Non, non, dit-elle à demi-voix et d’un air rêveur, je ne puis supporter ce supplice : je sens que cet amour jaloux, exigeant, me rend folle. Je pourrais lui faire du mal encore. Malheureuse que j’étais !… je l’ai sauvé… je l’ai sauvé deux fois… Heureuse pensée ! Pourquoi donc ne pas mourir heureuse ?… C’est la dernière pensée consolante que je puisse connaître… Ô mer sacrée !… j’entends ta voix qui m’invite ; c’est un frais et joyeux appel. Ils disent qu’il y a un déshonneur dans ton