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LES DERNIERS JOURS

« Par mes pères, s’écria l’Égyptien, le destin me sourit au milieu de ces horreurs ; il m’offre, parmi ces horribles scènes de douleur et de mort, des espérances de bonheur et d’amour. Arrière, Grec, je réclame ma pupille Ione.

— Traître et assassin, s’écria Glaucus avec un regard foudroyant, Némésis t’a conduit icipour ma vengeance ; juste sacrifice aux ombres de Hadès, qui semble maintenant déchaîné sur la terre… Approche… touche seulement la main d’Ione, et ton arme sera comme un roseau… Je te déchirerai membre par membre. »

Soudain, pendant qu’il parlait, le lieu où ils étaient fut éclairé d’une lumière rouge et vive. La montagne, brillante et gigantesque, à travers les ténèbres qui l’entouraient comme les murs de l’enfer, n’était plus qu’une pyramide de feu. Son sommet parut séparé en deux. Ou plutôt au-dessus de sa surface semblaient s’élever deux figures monstrueuses, se menaçant l’une l’autre, comme des démons qui se disputent un monde. Elles étaient d’une couleur de sang et elles illuminaient au loin toute l’atmosphère ; mais au-dessous, au pied de la montagne, tout était sombre encore, excepté en trois endroits, où serpentaient des rivières irrégulières de lave fondue. D’un rouge vif au milieu de leurs sombres bords, elles coulaient lentement du côté de la cité condamnée. Au-dessus de la plus large de ces rivières surgissait, en quelque sorte, une arche énorme et bizarre, d’où, comme de la bouche de l’enfer, se débordaient les sources de ce Phlégéthon subit. Et à travers les airs tranquilles on entendait le bruit des fragments de rochers roulant les uns sur les autres, à mesure qu’ils étaient emportés par ces cataractes de feu, obscurcissant pour un instant le lieu où ils tombaient, et se teignant, l’instant d’après, des couleurs enflammées du courant sur lequel ils flottaient.

Les esclaves poussèrent un grand cri et se couvrirent le visage en tremblant ; l’Égyptien lui-même demeura immobile pendant que l’atmosphère enflammée éclairait ses traits imposants et les pierres précieuses de sa robe. Derrière lui s’élevait une haute colonne qui supportait la statue de bronze d’Auguste ; et l’on eût dit que l’image impériale était changée en une image de feu.

Glaucus, la main gauche passée autour de la taille d’Ione, avait le bras droit levé, en signe de défi, et tenait le style qui devait lui servir dans l’arène, et qu’il portait encore heureuse-