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LES DERNIERS JOURS

Si dans l’ombre une femme était séparée de son mari, un père de son enfant, toute espérance de se retrouver était vaine. On se pressait, on s’enfuyait au hasard. De toutes les combinaisons variées de la vie sociale il ne restait plus rien ; il n’y avait plus qu’un sentiment, celui de sa propre conservation.

L’Athénien, accompagné d’Ione et de la jeune fille aveugle, poursuivait son chemin au milieu de ces scènes de désordre : tout à coup des centaines de personnes, qui se rendaient aussi à la mer, débordèrent sur eux. Nydia fut arrachée du côté de Glaucus, emporté en avant avec Ione ; et lorsque la foule, qu’ils n’avaient pu même entrevoir, tant l’obscurité était forte, eut passé, Nydia n’était plus auprès de son protecteur. Glaucus l’appela ; pas de réponse. Ils revinrent sur leurs pas ; ce fut en vain, ils ne purent la découvrir : il était évident qu’elle avait été entraînée dans quelque direction opposée par ce torrent humain. Leur amie, leur libératrice était perdue, que dis-je ? leur guide même. Sa cécité rendait la route familière pour elle seule… Accoutumée dans sa nuit perpétuelle à traverser les détours de la cité, elle les avait conduits, sans se tromper, vers les rivages de la mer, où ils avaient placé l’espérance de leur salut. Maintenant, de quel côté se dirigeraient-ils ? tout était pour eux sans lumière et sans issue dans ce labyrinthe. Fatigués, désespérés, égarés, ils continuèrent néanmoins leur chemin, malgré les cendres qui tombaient sur leurs têtes, et les pierres, dont les fragments faisaient jaillir, en tombant, des étincelles à leurs pieds.

« Hélas ! hélas ! murmura Ione, je ne puis plus marcher, mes pieds s’enfoncent dans les cendres brûlantes. Fuis, mon ami… mon bien-aimé ; laisse-moi à mon destin malheureux.

— Tais-toi, ma fiancée, mon épouse… la mort m’est plus douce avec toi que la vie sans toi. Mais, hélas ! où nous diriger dans cette obscurité ?… Il me semble que nous avons tourné dans un cercle, et que nous sommes revenus au lieu où nous étions il y a une heure.

— Ô dieux ! ce rocher… vois… il a brisé ce toit devant nous. La mort est dans les rues à présent…

— Béni soit cet éclair !… Regarde, Ione, le portique du temple de la Fortune est devant nos yeux : entrons-y, nous y trouverons un abri contre ces pluies terribles. »

Il la prit dans ses bras, et, après beaucoup de peine et de difficulté, atteignit le temple. Il la porta à l’endroit le plus