Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/415

Cette page n’a pas encore été corrigée
403
DE POMPÉI

qu’on remplisse les celliers de provisions de bouche, nous pourrons y rester quelques jours, dans le cas où cette étrange tempête se prolongerait.

— Ô béni soit celui qui a inventé les portes des cités ! s’écria Diomède. Voyez, on a placé là-bas une torche sous l’arche… elle va guider nos pas. »

L’air était devenu un peu plus calme depuis quelques minutes ; la lampe placée à la porte de la ville jetait au loin un vif éclat… Les fugitifs se pressèrent… arrivèrent… passèrent devant le factionnaire romain. Ils purent voir sa face livide et son casque poli ; ses traits exprimaient la terreur, mais en même temps une certaine fermeté… Il demeurait droit et immobile à son poste. Cette heure même n’avait pu changer en un homme indépendant et agissant pour lui-même, cette machine de l’inébranlable majesté de Rome. Il restait debout au milieu des désordres de la nature ; il n’avait pas reçu la permission de quitter son poste et de s’enfuir[1].

Diomède et son compagnon se pressaient, lorsque tout à coup une femme traversa leur chemin. C’était la jeune fille dont la voix mal inspirée avait si souvent et si gaiement célébré par anticipation le joyeux spectacle de l’amphithéâtre.

— Ô Diomède ! s’écria-t-elle, un abri ! un abri !… Voyez, dit-elle en montrant un enfant suspendu à son cou… Voyez ce pauvre petit… C’est mon enfant… l’enfant de la honte… Je ne l’ai jamais avoué jusqu’à ce jour… Mais maintenant je me rappelle que je suis mère !… Je suis allée le chercher au berceau de sa nourrice… Elle avait fui !… Qui peut penser à un enfant dans un pareil moment, excepté sa mère ?… Sauvez-le !… Sauvez-le !…

— Malédiction sur tes criailleries ! dit Claudius ; laisse-nous, prostituée, murmura-t-il entre ses dents.

— Non, dit Diomède, plus humain ; suis-nous. Ce chemin… ce chemin… Aux voûtes !… »

Ils pressèrent de nouveau le pas ; ils arrivèrent à la maison de Diomède. Ils se mirent à rire hautement en posant le pied sur le seuil, car ils crurent que le danger était passé pour eux.

Diomède ordonna à ses esclaves de porter dans les caveaux souterrains que nous avons décrits, une grande quantité de provisions de toute sorte et de l’huile pour les lampes, et ce

  1. On a trouvé à leurs postes les squelettes de plusieurs sentinelles.