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LES DERNIERS JOURS

sant ce cri… descendirent des hauteurs de l’amphithéâtre. et se précipitèrent dans la direction de l’Égyptien. En vain l’édile commandait, en vain le préteur élevait la voix et proclamait la loi, le peuple avait été rendu féroce par la vue du sang ; il en voulait davantage ; la superstition se mêlait à cette soif ardente. Excités, enflammés par le spectacle de leur victime, les habitants de Pompéi oubliaient l’autorité de leurs magistrats. C’était une de ces terribles émotions populaires fréquentes parmi les multitudes ignorantes, moitié libres, moitié serviles, et que la constitution particulière des provinces romaines produisait fréquemment. Le pouvoir du préteur était un roseau au milieu du tourbillon. Cependant, à son ordre, les gardes s’étaient rangés le long des bancs inférieurs, sur lesquels les spectateurs des classes distinguées étaient assis, séparés du vulgaire : ce ne fut qu’une faible barrière ; les vagues de cette mer humaine s’arrêtèrent tout au plus pour laisser à Arbacès le temps de calculer l’instant précis de sa mort. Désespéré, et plein d’une terreur qui abaissait même son orgueil, il fixa ses yeux sur la foule qui s’avançait grossissant toujours, lorsque, au-dessus d’elle, il aperçut, par l’ouverture des velaria, un étrange et terrible phénomène, et soudain son adresse vint en aide à son courage.

Il étendit la main vers le ciel, et son front majestueux, ses traits empreints d’une autorité royale, prirent une expression des plus solennelles et des plus imposantes.

« Regardez, s’écria-t-il d’une voix de tonnerre qui domina les clameurs de la foule, regardez comme les dieux protègent l’innocent !… Les feux vengeurs d’Orcus protestent contre le faux témoignage de mon accusateur. »

Les yeux de la foule suivirent le geste de l’Égyptien, et chacun vit avec un indicible effroi une immense vapeur qui s’élevait des sommets du Vésuve sous la forme d’un pin gigantesque[1] au tronc noir, aux branches en feu, et la teinte de ce feu variant à tout moment ; tantôt lumineux à l’excès, tantôt d’un rouge sombre et mourant, qui se ravivait un instant après avec un éclat que l’œil ne pouvait supporter.

Il se fit un silence de mort, un silence effrayant, interrompu tout à coup par le rugissement du lion, auquel répondit derrière l’amphithéâtre le rugissement plus aigu et plus féroce de son compagnon de captivité ! C’étaient deux sinistres inter-

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