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LES DERNIERS JOURS

se couchait, se relevait, et poussait de nouveau des gémissements sauvages qui s’entendaient au loin. En ce moment, il demeurait au fond de sa cage, immobile et silencieux, les naseaux ouverts appuyés contre la grille, et, par sa pesante respiration, faisait voler çà et là le sable de l’arène.

Les lèvres de l’editor frissonnèrent et ses joues pâlirent. Il jetait les yeux autour de lui avec anxiété. Il hésitait ; il attendait. Enfin, la foule se montra impatiente. Il se décida à donner le signal. Le gardien qui était devant la cage en ouvrit la porte avec précaution, et le lion sortit en poussant un rugissement qui indiquait sa joie de reconquérir sa liberté ! Le gardien se retira promptement à travers le passage grillé qui formait une des issues de l’arène, et laissa le roi des forêts avec sa proie.

Glaucus avait ployé ses membres de manière à s’affermir de son mieux afin de soutenir le premier choc de l’animal, en tenant levée son arme, petite et brillante, dans la faible espérance qu’un coup bien appliqué (car il savait qu’il n’avait le temps que d’en donner un seul), pourrait pénétrer par l’œil dans le cerveau de son redoutable ennemi.

Mais, à la surprise inexprimable de tous, l’animal ne parut même pas se douter de la présence de son adversaire.

Au premier moment de sa délivrance, il s’arrêta brusquement dans l’arène, se souleva sur les pattes de derrière, aspira l’air avec des marques d’impatience, puis s’élança en avant, mais non pas sur l’Athénien. Il fit plusieurs fois en courant le tour de l’arène, secouant sa large tête de côté et d’autre, avec un regard inquiet et troublé, comme s’il eût cherché quelque issue pour s’échapper ; une ou deux fois il essaya de franchir le parapet qui le séparait de l’assemblée, et fit entendre en retombant, plutôt un hurlement de mauvaise humeur que son rugissement profond et royal. Il ne donnait aucun signe de faim ni de colère : sa queue balayait le sable, au lieu de s’ébattre le long de ses flancs, et son œil, quoiqu’il roulât quelquefois du côté de Glaucus, se détournait de lui aussitôt. Enfin, comme s’il était ennuyé de chercher vainement à s’échapper, il rentra avec un grognement plaintif dans sa cage et se recoucha.

La première surprise de l’assemblée avide, en voyant l’apathie du lion, se changea bientôt en ressentiment contre sa lâcheté ; et la pitié qui s’était déclarée un moment pour Glaucus devint un véritable dépit. Quel désappointement !

L’editor appela le gardien.