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DE POMPÉI

qu’il n’y eût pas de soleil, lui parut avoir quelque chose de desséchant. Son corps, à peine rétabli encore des effets du fatal breuvage, frissonna et chancela. Les gardes de l’arène le soutinrent.

« Courage, dit l’un d’eux : tu es jeune, adroit, bien proportionné. On te donnera une arme ; ne désespère pas, et tu peux triompher.

Glaucus ne répondit pas ; mais, honteux de cette faiblesse, il fit un violent et convulsif effort sur lui-même et retrouva la fermeté de ses nerfs. On oignit son corps complètement nu, sauf une ceinture des reins, on lui mit un style (vaine arme) dans la main, et on le conduisit dans l’arène.

Alors, lorsque le Grec vit les yeux de mille et mille personnes fixés sur lui, il ne sentit plus qu’il était mortel. Toute apparence de crainte, toute crainte elle-même, avait disparu. Une vive et fière rougeur couvrit la pâleur de ses traits. Il se redressa de toute la hauteur de sa noble taille. L’élasticité de ses membres, la grâce de sa personne, la sérénité de son front attentif, son air dédaigneux, l’âme indomptable qui respirait dans son attitude et dans le mouvement de ses lèvres, et les éclairs de ses yeux, attestaient la puissance de son courage ; tout se réunissait pour offrir en lui une incarnation vivante et corporelle de la valeur et du culte de ses aïeux : c’était à la fois un héros et un dieu !

Le murmure de haine et d’horreur pour son crime, qui s’était élevé à son entrée, expira dans un silence d’admiration involontaire et de compassion respectueuse ; avec un soupir prompt et convulsif, qui sortit comme d’un seul corps de cette masse animée, les spectateurs détournèrent leurs regards de l’Athénien pour les diriger sur un objet sombre et informe apporté dans le centre de l’arène. C’était la cage du lion.

« Par Vénus, qu’il fait chaud ! dit Fulvie : cependant il n’y a pas de soleil. Pourquoi ces imbéciles de matelots n’ont-ils pas pu fermer la tenture[1] ? »

Le lion avait été privé de nourriture pendant vingt-deux heures, et l’animal avait toute la matinée témoigné un singulier malaise, une vague inquiétude, que son gardien attribuait aux angoisses de la faim. Mais son air annonçait plutôt la crainte que la rage. Ses rugissements étaient sinistres et plaintifs. Il penchait la tête, respirait à travers les barreaux, puis

  1. C’étaient ordinairement les matelots qui tendaient les velaria.