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LES DERNIERS JOURS

— Ouvre ! ne fût-ce que pour détourner le cours de mes pensées… Pauvre Glaucus ! »

L’affranchi ouvrit la lettre. « Quoi ! du grec ! dit-il… c’est une dame instruite… je suppose. » Il parcourut la lettre, et pendant quelques instants ne déchiffra pas aisément les lignes irrégulières tracées par la jeune aveugle ; tout à coup sa physionomie prit une expression d’émotion et de surprise.

« Grands dieux, noble Salluste ! Qu’avons-nous fait en ne donnant pas tout de suite notre attention à cette lettre ! Écoutez ce qu’elle vous apprend.

« Nydia l’esclave, à Salluste, l’ami de Glaucus :

« Je suis prisonnière dans la maison d’Arbacès. Hâte-toi d’aller trouver le préteur, fais-moi délivrer ; et nous sauverons Glaucus du lion… Il y a dans ces murs un autre prisonnier dont le témoignage peut décharger l’Athénien de l’accusation portée contre lui. Quelqu’un qui a vu le crime… qui peut prouver que le criminel est un misérable qu’on n’a pas soupçonné jusqu’à ce jour. Va, hâte-toi, hâte-toi… de la promptitude… Amenez avec vous des hommes armés, de crainte qu’on ne fasse résistance… ainsi qu’un serrurier habile et vigoureux, car le cachot de mon compagnon d’infortune est fort et difficile à enfoncer… Oh ! par ma main droite et par les cendres de mon père, qu’il n’y ait pas a un moment de perdu ! »

— Grand Jupiter ! s’écria Salluste en sautant en bas de sa couche, en ce jour-ci, à cette heure, peut-être, Glaucus meurt. que faire ? Courons chez le préteur !

— Non, ce n’est pascela. Le préteur, aussi bien que Pansa, l’editor lui-même, sont les créatures de la populace ; et la populace ne voudra pas entendre parler de délai, elle ne voudra pas que son attente soit suspendue sur une vague dénonciation. D’ailleurs, la publicité de cette déclaration mettrait l’Égyptien sur ses gardes. Il a évidemment quelque intérêt dans ce mystère. Non, nous avons autre chose à faire : par bonheur, tes esclaves sont tous à la maison.

— Je comprends ta pensée, interrompit Salluste ; que mes esclaves s’arment sur-le-champ. Les rues sont vides. Nous allons nous rendre nous-mêmes à la maison d’Arbacès et délivrer les prisonniers. Vite ! vite1 holà ! Dave ! ma robe, mes sandales… Du papyrus, un roseau[1], je veux écrire au préteur

  1. On se servait du roseau (calamus) pour écrire sur le papyrus ou sur