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DE POMPÉI

terrible, car il n’indiquait aucune sympathie. Pas une main, pas même une main de femme, ne donna le signal de la miséricorde et de la vie. Sporus n’avait jamais été populaire dans l’arène ; un moment auparavant la blessure de Niger avait même excité l’intérêt. Le peuple était échauffé par la vue du sang : les combats simulés ne lui suffisaient plus. L’intérêt s’était élevé jusqu’au désir de l’immolation, à la soif de la mort.

Le gladiateur comprit que sa destinée était décidée : il ne proféra aucun soupir, aucune prière. Le peuple donna le signal de la mort. Sporus, avec une soumission où la souffrance le disputait au courage, inclina la tête pour recevoir le coup fatal. Mais comme le trident du retiarius n’était pas une arme convenable pour infliger une mort certaine et instantanée, une forme effrayante et sinistre, brandissant une épée courte à la lame effilée, entra dans l’arène, les traits entièrement cachés sous sa visière baissée. D’un pas mesuré et solennel, ce funèbre exécuteur s’approcha du gladiateur à genoux, plaça la main gauche sur sa tête humiliée, posa le tranchant du glaive en travers de son cou, et interrogea des yeux l’assemblée, afin de s’assurer qu’aucun remords ne l’avait saisie en ce dernier moment. Le terrible signal ne fut pas changé, et le glaive brillant dans l’air tomba, et le gladiateur roula sur le sable ; ses membres s’agitèrent convulsivement, puis rien ne bougea plus dans toutson être… Ce n’était plus qu’un cadavre[1].

Son corps fut entraîné hors de l’arène, par la porte de la Mort, et jeté dans l’obscure cellule qu’on appelait le spoliarium. Avant qu’il eût atteint sa destination, la lutte entre les deux autres combattants était aussi terminée. L’épée d’Eumolpus avait porté une blessure mortelle à son adversaire moins expérimenté que lui : une nouvelle victime s’ajouta au réceptacle du carnage.

Un mouvement universel agita la nombreuse assemblée ; le peuple respirait plus à l’aise, et chacun se replaçait commodément sur son siège. Une pluie agréable fut lancée par les conduits pour rafraîchir les spectateurs ; chacun disait son mot, pendant cette bienfaisante rosée, sur le spectacle sanglant qui venait d’avoir lieu. Eumolpus ôta son casque et essuya

  1. Voyez la gravure empruntée aux frises de Pompéi, dans l’ouvrage qu’a publié sur cette ville la Bibliothèque des connaissances amusantes.