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LES DERNIERS JOURS

degré ; ils s’attaquaient, se défendaient, avançaient, reculaient avec ces précautions scrupuleuses et presque imperceptibles qui caractérisent deux hommes expérimentés et d’une force égale. Eumolpus, le plus vieux des gladiateurs, par un habile coup de seconde qu’on regardait dans l’arène comme très-difficile à éviter, venait de blesser Nepimus au côté : le peuple applaudit ; Lépidus devint pâle.

— Oh ! dit Claudius, c’est une affaire finie. Eumolpus n’a plus maintenant qu’à ferrailler tout doucement, et à laisser l’autre perdre peu à peu tout son sang.

— Oui ; mais, grâces aux dieux, il ne se modère pas ; voyez comme il presse Nepimus. Par Mars ! Nepimus l’a touché, le casque a résonné de nouveau. Claudius, je gagnerai.

— C’est une faute, je ne devrais parier qu’au-jeu de dés, se dit Claudius à lui-même ; pourquoi ne peut-on pas piper un gladiateur ?

— Bravo. Sporus, bravo, Sporus ! » cria la populace, en s’apercevant que Niger, qui s’était arrêté, avait une seconde fois lancé son filet en vain ; il ne s’était pas enfui cette fois avec assez d’agilité, et l’épée de Sporus lui avait entaillé la jambe droite d’une façon assez grave ; ne pouvant plus fuir, il était pressé par son féroce adversaire. Sa grande taille et la longueur de son bras continuaient néanmoins à lui donner d’assez grands avantages ; et, présentant son trident au front de son ennemi, il le força à reculer plusieurs fois. Sporus essaya alors de le surprendre en tournant avec une grande agilité autour de lui ; Niger, blessé, ne pouvait lui faire face qu’avec une certaine lenteur ; mais Sporus se laissa emporter et s’avança trop près du géant ; il leva son bras pour le frapper, et les trois pointes du trident entrèrent au même instant dans sa poitrine. Sporus tomba sur un genou ; le fatal filet l’enveloppa sur-le-champ. Il essaya en vain de se débarrasser de ses mailles ; les coups répétés du trident l’accablèrent ; son sang coula à flots à travers le filet et rougit le sable ; il croisa les bras en signe de défaite.

Le retiarius triomphant retira le filet, et, s’appuyant sur son trident, consulta l’assemblée du regard pour savoir son jugement. Le gladiateur vaincu roula aussi, lui, ses yeux à demi voilés et pleins d’angoisse autour du théâtre, de rang en rang, de banc en banc ; on le contemplait sans témoignerla moindre pitié, la moindre émotion.

Les murmures, les clameurs avaient cessé. Le silence était